Écho d'Acadie Décembre 2015 | Page 27

D'où t'es venue l'idée de cette recherche?

Tout ça m'intéresse parce que la « question linguistique   » semble être un si gros enjeu, si chargé d'attentes, qu'une emphase et une pression énorme sont mises sur les cours de français et sur les élèves / étudiants. Ceci stimule une profonde insécurité linguistique qui pousse les gens à dévaloriser leur façon de s'exprimer, à s'auto-déprécier de façon générale et in fine à se taire.

Est-ce la première étude sur le sujet?

C'est la première fois qu'une thèse portant sur ce milieu de l'Université est faite. Par contre, c'est loin d'être la première fois que ces mêmes questions sont posées dans les murs de l'Université, au contraire. Ce sont des questions qui se posent chaque jour à toutes et tous, quand bien même on ne pose pas toujours des mots dessus. La thématique de l'insécurité linguistique est ainsi centrale dans le travail quotidien des professeurs et a fortiori des professeurs de français : que dire, que faire, pour ne pas stimuler cette insécurité, voire pour la faire reculer ?

Étant Français, comment te situe-tu par rapport à l'insécurité linguistique?

Comme français, je ne me suis jamais questionné de ma vie sur l'insécurité linguistique. J'ai découvert concrètement cette thématique en arrivant à Moncton (je ne dis pas que ça n'existe pas en France, attention. Je dis que ce n'est pas forcément un débat saillant en société si on ne s'y intéresse pas).

Crois-tu que l'université de Moncton suive la bonne voie? S'agit-il d'une amélioration?

Je ne suis pas légitime à dire si la politique menée par l'Université en matière de langue et d'enseignement du français est «   la bonne voie » ou non. Ce d'autant plus que tout dépend quels sont les objectifs réels derrière les politiques linguistiques locales.

Ce que je vois, c'est qu'ils se donnent beaucoup de mal et mettent beaucoup de moyens sur la table - et qu'ils n'ont pas l'impression d'être récompensés pour leurs efforts, parce qu'un débat permanent agite ses couloirs, il porte sur « la qualité du français   » à l'Université, qui n'est pas jugée bonne.

Y aurait-il des modifications à apporter?

Tout dépend «   d'où on parler ». De ma position d'extérieur, oui il y a des améliorations à apporter. Mais parce que je suis plus préoccupé par le bien-vivre des étudiants et des gens, je suis plus intéressé à limiter l'impact des politiques de gestion de la variation linguistique (impact en termes de stigmatisation et donc d'inégalités). Je suis plus préoccupé par tout ça que par « la qualité de la langue   » à l'Université (je ne sais pas ce que signifie « la qualité de la langue  », il me semble que derrière ce terme se trament en fait des enjeu de pouvoir : quelle variété domine, laquelle doit-on imposer et au bénéfice de qui ?).

De ce point de vue là oui (et c'est le seul point de vue depuis lequel je puisse parler), il y aurait des modifications à apporter à la politique linguistique de l'Université et aux parcours de cours de français. Je ne peux toutefois pas dire lesquelles. Non pas que ce soit secret mais c'est une réflexion extrêmement compliquée qu'il me faut d'abord mener au bout.

Arrière-plan: préambule de l'ordonnance de Villers-Cotterêts, adopté en 1539 et faisant du français la seule langue officielle en France. Il n'a jamais été aboli en Acadie.

Arrière-plan: préambule de l'Ordonnance de Villers-Cotterêts, faisant du français la seule langue officielle en France. Elle n'a jamais été abolie en Acadie.

Écho d'Acadie/Décembre 2015 27