portrait
RENCONTRE
TEXTE & PHOTOS_Olivier EMRAN
Franky ZAPATA
l’homme qui vole debout
Il y a des histoires humaines qui dépassent largement la fiction. Imaginez Jules Verne prenant
l’apéro avec Colt Seavers (personnage de cascadeur mythique d’une série TV américaine
des années 1980) et les frères Wright (pionniers américains de l’aviation). Le tout à Sausset-
les-Pins. Vous n’auriez pas misé un peso là-dessus, hein ? Et pourtant, caramba, ça existe, c’est
réel et c’est signé d’un Z… comme Zapata. Un Marseillais, un inventeur génial qui a collé des
turboréacteurs fabriqués maison sous sa table de chevet pour traverser la Manche à fond la
caisse (un Flyboard Air de 30 kg). On pourrait croire à une galéjade. Mais, sous l’égide de
cet homme passionné, hypersensible même, ce sont peut-être les transports de demain qui
déploient timidement, mais sûrement, leurs ailes devant nous.
B
ien sûr, l’engin actuel de Franky Zapata n’est pas fait
pour vous ou pour moi. Il faut des capacités physiques,
de l’entraînement et certainement un permis de vol pour
piloter ce mustang sauvage gavé d’un kérosène nouvelle
génération (moins polluant et moins odorant, en dévelop-
pement avec Total). Mais là n’est pas le débat ; car, au-delà
de l’engin de démonstration, cet homme ouvre la voie à de
nouvelles applications potentielles, qu’il n’a pas la préten-
tion de toutes connaître, mais qu’il pressent avec lucidité
(taxi ou automobile volants, transport de blessés, etc.).
C
ertains lui opposent la pollution, le bruit et l’inutilité
de son travail, dans un monde un peu schizophrène
où l’aviation civile est à la fois un facteur de liberté et une
source de nuisances. D’autres aussi lui reprochent quelque-
fois son envie de popularité ou ses records inutiles. Lui est
surpris, voire blessé, que l’on ne voie pas qu’un futur tech-
nologique possible est en train de s’écrire en France, ici
même, dans le Sud. Et que lui, « Monsieur » Franky Zapata
(et son épouse Krystel, très engagée et aussi passionnée
que son mari !), fait bouger les lignes. Et c’est en cela qu’il
faut respecter les créateurs et se demander comment aider
ces hommes et ces femmes qui sont debout pour entre-
prendre, défendre leurs idées, leurs inventions et de par là
même ouvrir de nouvelles voies ou de nouvelles réflexions
pour le monde qui viendra demain. Rencontre (une fois les
réacteurs éteints)…
Partir ou arrêter ?
P
artir, j’y ai pensé quand j’étais jeune. J’ai quarante
ans aujourd’hui. Je suis ancré ici, j’y ai mes racines,
Automne 2019 _TM n°56
mes amis. J’ai passé
toute ma vie dans les
sports
mécaniques,
dans le développement,
la recherche, le fait de
repousser les limites,
c’est cela mon quoti-
dien, ma passion. J’ai
aussi, de ce fait, accepté
l’idée que je ne serai ja-
mais riche grâce à cela.
C’est vrai néanmoins
que j’ai eu de la chance,
en inventant le Fly-
board à eau (N.D.L.R.
en 2012, avant le Fly-
board Air, Franky a mis
au point un jetpack nau-
tique qui s’est vendu dans le monde entier), car j’ai gagné
de quoi être serein. J’aime ma vie ici, j’aime mon boulot
et j’ai toujours la même passion. Et puis, je suis attaché à
mon pays et à ma région. La plus grande frustration que
je pourrais avoir, ce serait de devoir laisser tomber, de ne
pas aller jusqu’au bout de mon engagement. Ça, c’est vrai-
ment quelque chose qui me hante.
Quel avenir pour votre création ?
d’approfondir nos expérimentations sur la turboréaction,
et aussi améliorer concrètement nos réacteurs. Ce n’est
pas du tout pour le flyboarder ! Notre objectif, en tant
qu’entreprise privée, est toujours identique à celui de nos
débuts : des utilisations à 99,99 % civiles. Grâce à la tech-
nologie moins coûteuse de nos réacteurs, nous travaillons
actuellement au développement de biocarburants et nous
pouvons repousser nos limites techniques en réfléchissant
à des engins à décollage vertical. Mais que les gens se ras-
surent : il n’y aura pas, demain, de flyboarders qui tour-
neront sur nos plages ! Nos produits à nous, ce sont nos
voitures volantes, qui vont sortir à la fin de cette année. Je
ne pense pas qu’elles seront exploitées en France à court
terme (N.D.L.R. a priori, aux USA), mais nous comptons
quand même promouvoir l’innovation à la française, pour
présenter aux Français l’avant-goût d’un futur possible
pour nos enfants… ou nos petits-enfants !
Voler demain… Avec ou sans ailes ?
I
l faut rêver plus grand, tout en pensant à des véhi-
cules moins énergivores. Pour le moment, la voiture vo-
lante que nous développons (d’ici quinze mois) sera certai-
nement dotée de petites ailes. Alors, imaginez dans le futur
des taxis qui s’envoleraient du haut des toits, qui auraient
une autonomie de 1 000 à 1 500 km en consommant x fois
moins d’énergie qu’un avion normal. Ça fait rêver, non ?
N
ous avons reçu une subvention en recherche et dé-
veloppement de l’armée française, qui a un regard
bienveillant sur notre invention, pour nous permettre
6
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