agenda
L’EXPO
TEXTE _Elsa GALLAND
Hokusai, Hiroshige, Utamaro...
les grands maîtres du Japon, la collection Georges Leskowizcz
Jamais la Provence n’aura autant vécu à l’heure nippone... Après l’éblouissement aux Carrières de Lumières, grâce à l’œuvre
immersive du collectif Danny Rose « Japon rêvé, Images du monde flottant », c’est à l’hôtel de Caumont que Culturespaces pré-
sente un ensemble d’œuvres remarquables, jamais encore dévoilées au public français. La plupart des pièces sont issues
de la collection Georges Leskowicz, l’une des plus importantes au monde en matière d’estampes japonaises de l’ère Edo
(peintes du milieu du xviii e siècle au milieu du xix e siècle), qui compte 1 800 estampes dans l’esprit ukiyo-e (littéralement :
« image du monde flottant ») dont 200 seront présentes sur les cimaises de l’hôtel de Caumont cet automne.
Utagawa Kunisada, L’acteur Ichikawa Danjûrô VII dans
le rôle de Soga no Gorô et Omi no Okane, 1818-1830
Katsushika Hokusai, Le Coquillage
violet de la série Le Jeu des coquillages
avec les poètes de l’ère Genroku, 1821
J
ugées vulgaires à l’époque par l’aristocratie japonaise
parce qu’elles mettent en valeur les plaisirs populaires, la
nature, les geishas, les acteurs du théâtre kabuki, les héros po-
pulaires et les légendes traditionnelles ou encore des scènes
licencieuses, les estampes ukiyo-e témoignent d’un renouveau
artistique du pays, qui s’émancipe de l’influence étrangère,
comme le soulignait Edmond de Goncourt dans sa mono-
graphie d’Hokusai : « Voici le peintre qui a victorieusement
enlevé la peinture de son pays aux influences persanes et
chinoises et qui, par une étude, pour ainsi dire religieuse de
la nature, l’a rajeunie, l’a renouvelée, l’a faite vraiment toute
japonaise ; voici le peintre universel qui, avec le dessin le plus
vivant, a reproduit l’homme, la femme, l’oiseau, le poisson,
l’arbre, la fleur, le brin d’herbe [...] ; voici le peintre qui est
le vrai créateur de l’ukiyo-e, le fondateur de l’école vulgaire,
c’est-à-dire l’homme qui, ne se contentant pas, à l’imitation
des peintres académiques de l’école de Tosa, de représenter
dans une convention précieuse, les fastes de la cour, la vie
officielle des hauts dignitaires, l’artificiel pompeux des exis-
tences aristocratiques, a fait entrer, en son œuvre, l’huma-
nité entière de son pays. » L’ouvrage de Goncourt paraît en
1896 en plein « japonisme » européen : à la faveur d’une
ouverture économique du Japon, l’Occident découvre une
approche inédite du trait et de la perspective, notamment
pour la représentation des paysages grâce aux travaux des
maîtres japonais de l’estampe.
L
e goût des artistes et collectionneurs européens pour
l’art japonais croît tout au long du xix e siècle et ne se
dément pas aux xx e et xxi e siècles. Georges Leskowicz,
franco-polonais, fait partie de ces amateurs. En cherchant
Automne 2019 _TM n°56
Yashima Gakutei, Grues, de la série
Grues et tortues, 1820-1830
Utagawa Toyohiro, Nouveau Fuji
au printemps, 1810-1829
à reconstituer la collection d’ouvrages rares de son père,
« Aleksander Leskowicz », dispersée pendant la seconde
guerre mondiale, il découvre l’art japonais et tombe amou-
reux de cette iconographie singulière.
I
l enrichit au fil du temps sa collection d’estampes, notam-
ment par l’acquisition de surimono, qui constituent le cœur
de cette exposition. Ces estampes luxueuses qui associent
compositions figuratives et poésie sont plus confidentielles.
Elles étaient destinées à un usage privé : carte de vœux, fête
familiale, célébration du Nouvel An... L’emploi pour leur
réalisation de couleurs très riches et de matériaux luxueux,
comme les pigments métalliques, modifia profondément
l’art de l’estampe du Japon de l’ère Edo. Comme l’avait fait
Harunobu dans la première moitié du xviii e siècle par le
développement d’une technique permettant l’impression
d’estampes multicolores à un coût moindre et dont on peut
admirer certaines pièces au fil de l’exposition.
A
fin d’enrichir l’expérience, pièces d’artisanat, manus-
crits anciens et objets destinés à la xylogravure sont éga-
lement dévoilés au visiteur en écho aux estampes signées des
grands maîtres : Harunobu, Utamaro, Sharaku, Hokusai,
Hiroshige, Koryùsai, Toyokuni, Kunisada. La pré-
sence à Aix de chefs-d’œuvre comme les Trente-Six vues du
Mont Fuji (1832-1833) d’Hokusai, ou encore Les Soixante-neuf
stations de la route Kisokaidò d’Hiroshige et Eisen font de cette
exposition un moment d’exception.
Commissariat d’exposition : Anna Katarzyna Maleszko, conser-
vatrice de la collection d’art japonais du musée national de Varsovie et
spécialiste de l’art japonais des périodes Edo et Meiji.
44
Utagawa Hiroshige, La Fôret près du sanctuaire
Masaki au bord de la Sumidagawa,
de la série Cent vues célèbres d’Edo
HÔTEL DE CAUMONT
Du 8 novembre 2019 au 22 mars 2020
3 rue Joseph Cabassol, Aix-en-Provence
_www.caumont-centredart.com
Retrouvez tous nos reportages sur www.toutma.fr