ToutMa ToutMa n°52 - Novembre 2018 / Janvier 2019 | Page 50
agenda
L’EXPO
TEXTE _Romain BONY-CISTERNES
REPRODUCTIONS _ © ADAGP, Paris, 2018
© Archives Marc et Ida Chagall, Paris
Marc Chagall,
entre ombre et lumière
itinéraire d’un destin marqué
par l’Holocauste
M
arc Chagall, au style évolutif et inclassable,
connu pour être un maître incontesté de la cou-
leur, des formes et de la technique, conserve, paradoxa-
lement, une zone d’ombre, largement liée à ses origines
hébraïques et au funeste destin du peuple juif pendant la
guerre. Obsédé par la Bible, hanté par l’image de la cru-
cifixion, il semble établir entre la souffrance de Jésus sur
la Croix et celle des Juifs un parallèle incessant (L’Exode,
1952-1966). Une utilisation prononcée de la couleur
noire dans son œuvre témoigne, alors, de l’exil intérieur
et de la souffrance que l’on ne peut dire autrement que
par l’art.
C
ar c’est bien la guerre et l’exil qui, en malmenant
l’identité de Chagall (qu’il s’agisse de sa nationalité
ou de sa confession), en ont révélé la souffrance. De son
village natal biélorusse à la vie artistique parisienne (vers
1914), en passant par Moscou et Berlin, dans l’entre-
deux-guerres, le peintre est poursuivi par l’exil, la fuite.
La montée du nazisme dans les années 1930 et la tenue
d’un autodafé de ses œuvres forcent Chagall à émigrer
outre-Atlantique, où les artistes et, a fortiori, les Juifs, ne
sont pas persécutés.
D
de la France. Pourtant, habité par
le spectre de l’Holocauste qu’il
n’a connu que de loin, il ressent ce
besoin de s’exprimer sur ce qui, à
l’époque, est tu, tabou. Jusqu’aux
années 1970, voire 1980, l’opti-
misme des Trente Glorieuses et la
volonté d’oublier le passé l’em-
portent sur le témoignage des res-
capés des camps que personne ne veut entendre. C’est
alors, au travers de certaines toiles, que la tragédie du
génocide s’aperçoit dans l’œuvre du peintre. En expri-
mant sa douleur, il tait la couleur. Les Amoureux au poteau
(1951), toile sombre où l’ombre de son sinistre vil-
lage natal, situé
près de Vitebsk,
se mêle à des
corps enchaî-
nés, traduit une
certaine repré-
sentation de la
douleur par la
noirceur.
L
Les Amoureux au poteau, 1951
e passage à la couleur, après cette période tour-
mentée, et l’installation de l’artiste dans le Sud,
Personnages de l’Opéra, 1968-1971
témoignent d’un renouveau de son art au contact des po-
tiers, céramistes, émailleurs, costumiers et des lumières
de l’Azur. Il témoigne aussi d’une vague d’optimisme in-
térieur (L’Arlequin et Le Village fantastique), toujours liée
aux origines du peintre, avec la création, en 1947-1948,
de l’État d’Israël. À cette époque, l’œuvre de Chagall
prend aussi du relief : céramiques, sculptures…
C
ette exposition, qui bénéficie des prêts exception-
nels de la Taisei Corporation à Tokyo et de la col-
lection Odermatt, présente des œuvres, pour beaucoup
issues de collections privées, très rarement exposées en
Europe. Conçue par les commissaires Ambre Gau-
thier et Meret Meyer, avec la scénographie d’Éric
Morin, elle s’admire à l’hôtel de Caumont jusqu’en
mars prochain.
e retour de l’exil en 1948, après les affres de la
guerre, il s’installe, comme d’autres « grands »
(Matisse, Braque, Picasso, Bonnard) dans le Sud
C’est au sein du magnifique hôtel de Caumont, en plein cœur d’Aix-
en-Provence, que Culturespaces, premier opérateur culturel dans le
Sud de la France, nous invite, après le succès de l’exposition Nicolas
de Staël, à découvrir ou redécouvrir l’œuvre de Marc Chagall, à
travers un point de vue jusqu’alors peu abordé par la muséographie.
Jusqu’au 24 mars
Tous les jours de 10h à 18h
Hôtel de Caumont, Centre d’Art
3 rue Joseph Cabassol
Aix-en-Provence
_www.caumont-centredart.com
Au fil du temps (Homme au manteau-botte inversé),
planche II des Poèmes (Comme un barbare),
Cramer 1968-1970
Le Village fantastique, 1968-1971
Décembre 2018 / Janvier 2019 _TM n°52
L’Arlequin, 1968-1971
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