ToutMa ToutMa n°51 - Septembre / octobre 2018 | Page 7

ENTRETIEN _Céline BOUCHARD PHOTOS _ Carole BELLAÏCHE - H&K Cécile DE FRANCE Rencontre avec une actrice rayonnante au naturel désarmant... Ce que je vis sur les tournages est aussi important que l’œuvre en elle-même ! ToutMa : Connaissiez-vous le cinéma d’Emmanuel Mouret avant d’avoir été pressentie pour ce rôle ? Cécile de France : Oui un peu... mais sans être une adepte de ce genre de cinéma souvent versé dans le marivaudage théâtral. Quand j’ai reçu le scénario, j’ai eu un grand coup de cœur pour cette histoire, et le fait qu’Emmanuel Mouret ait réussi à mélanger brillam- ment ses mots à ceux de Diderot m’a littéralement émerveillée ! Ce sont tous deux des défenseurs de la liberté de penser, ils ne jugent pas, ils s’interrogent. Ce sont deux grandes intelligences françaises (par opposi- tion au côté manichéen du cinéma américain) qui, de plus, s’intéressent aux femmes avec beaucoup d’empa- thie, quels que soient leurs travers... TM : Les sublimes robes d’époque (un rêve de petite fille) et le langage raffiné du XVIII e ont-ils laissé une empreinte sur votre comportement ? CF : Ah non, une fois que le film est terminé, c’est fini... Je mets toujours un peu de distance avec mes personnages. Le costume m’a beaucoup aidée à être dans la représentation car la marquise est une excel- lente comédienne qui contrôle ses émotions et Emma- nuel savait que le maintien imposé par le corset allait conforter cette artificialité. Après, j’étais flattée d’avoir un costumier aussi talentueux qui a conçu chaque robe pour moi en fonction de ma carnation. Tout y est lumineux, comme le XVIII e siècle ! TM : Sans vouloir spoiler le film, le personnage du mar- quis semble presque écrit pour Édouard Baer (sauf qu’il est bien plus extraverti dans la vraie vie). Auriez- vous pu être séduite par un tel Don Juan aux manières pourtant irréprochables ? CF : S’il y a une sincérité, qu’il n’y a pas de fabrica- tion, si j’ai en face de moi quelqu’un qui assume sa personnalité et qui ne ment pas, je crois que oui ! J’aime les gens sincères. Dans le film on est séduit par le marquis car il est vrai ! C’est un libre penseur. Et moi, dans la vie, je suis admirative des gens naturels, qu’ils soient séducteurs ou pas. TM : Quels sont jusqu’ici les plus beaux rôles de votre vie ? CF : C’est impossible de répondre à cette question car c’est comme si vous me demandiez lequel de mes enfants je préfère ! Que ce soit un film réussi, ou pas d’ailleurs, j’ai un vrai lien affectif avec mes person- nages. Et ce que je vis sur les tournages est aussi im- portant que l’œuvre en elle-même ! TM : Qu’est-ce qui vous a attirée, si jeune, vers ce métier ? CF : Ça a démarré très tôt... Enfant ! J’étais timide, introvertie. Et quand, en classe, je récitais mes poé- sies, voir que je pouvais provoquer des émotions chez les autres, que ce soit le rire, la tendresse ou tout le panel infini des émotions humaines, me rendre compte que j’avais ce super pouvoir-là, ça m’a vraiment trans- cendée... J’ai gardé cette sensation en moi, encore aujourd’hui. Je trouve cela précieux. TM : On sait que vous avez tourné avec l’immense Clint Eastwood dans son film Au-delà ! Dites-nous un truc qui nous fasse rêver... CF : Je suis complètement fan de lui, moi aussi. J’ai été subjuguée... C’est comme un diffuseur d’amour. Il a une aura tellement puissante ! Il dégage beaucoup Septembre / Octobre 2018 _TM n°51 5 de paix et de bienveillance. Il parle peu mais quand il pose sa main sur votre épaule, vous vous sentez bénie. TM : On reste dans le thème du divin (rires). Vous tour- nez bientôt la saison 2 de la série The Young Pope, avec Jude Law et John Malkovich, entre autres. Et là, ça fait quoi de toucher les étoiles, après Dieu ? CF : Je suis très honorée de faire partie de l’équipe et surtout d’être aux premières loges pour contempler le génie de Paolo Sorrentino, un réalisateur qui a vrai- ment son univers propre... comme Emmanuel d’ail- leurs qui est unique dans son genre et ça, j’adore ! Pao- lo a une grande intelligence artistique, avec d’énormes moyens évidemment. Il a fallu que je me sente à ma place car j’avais un petit complexe d’infériorité, mais Paolo aime passionnément ses acteurs. J’ai été heu- reuse de sentir cela. TM : On vous sait en couple avec deux enfants et très discrète sur votre vie de famille que vous privilégiez. Comment concilier tournages parfois lointains et pré- sence à leurs côtés ? CF : En fait, c’est pas si compliqué car c’est quelques mois par an. Ma plus longue absence, c’était en Mon- golie, pendant cinq semaines pour le récent tournage du film de Fabienne Berthaud. Le reste du temps je fais des allers-retours. Je fais en moyenne deux films par an, donc quatre mois de travail sur douze... Je suis surtout à la maison auprès de mes enfants (sourire). Retrouvez tous nos reportages sur www.toutma.fr