ToutMa ToutMa n°49 - Avril / Mai 2018 | Page 45

histoire

NOTRE VILLE
Le quai de la Joliette , 1900 Le Vieux-Port avec l ’ Hôtel Beauvau à droite , 1900
Library of Congress Prints and Photographs Division Washington , D . C . 20540 USA
lignes régulières , en Méditerranée d ’ abord , puis vers l ’ Extrême-Orient , le continent américain , l ’ Afrique noire , l ’ océan Indien , et l ’ Australie . Marseille totalise soixante-dix lignes françaises en 1913 . Des compagnies étrangères y établissent également des succursales et l ’ on ne dénombre pas moins de quarante pavillons différents flottant dans le bassin du port . Parmi les lignes emblématiques figure celle d ’ Extrême-Orient , dont l ’ essor est consécutif à l ’ ouverture du Canal de Suez , en 1869 , qui permet de relier Marseille aux possessions françaises aux Indes ainsi qu ’ en Indochine . La ligne d ’ Extrême-Orient unit Marseille à Shanghai en 45 jours , par Suez ( Égypte ), Colombo ( ex-Indes britanniques ), Singapour , Saigon ( à 34 jours de Marseille ) au Vietnam et Haiphong ( Vietnam toujours ). Marseille prend alors la place de quatrième port mondial , juste après ceux de Londres , Liverpool et New York !
Affiche de la Compagnie de navigation mixte - 1850
Destins croisés entre Orient et Occident

Le rayonnement mondial du port de Marseille et la diversité des dessertes qu ’ il propose se reflètent dans le caractère cosmopolite de la ville dont le port a longtemps été le point de transit d ’ hommes aux destins variés ( en témoigne le visage de Zidane , fierté des Marseillais , qui trône sur sa fameuse Corniche !). Fonctionnaires arrivés des quatre coins de la France pour embarquer vers leur destin colonial , commerçants tentés par l ’ aventure de l ’ outre-mer , trafiquants d ’ opium en quête de profits juteux en route pour la Chine , hommes d ’ affaires ou bien encore marins en escale , peuples colonisés

Avril / Mai 2018 _ TM n ° 49 ou migrants , c ’ est un véritable mélange hétéroclite qui s ’ observe sur le port de Marseille et dans son centreville de l ’ époque . Voyageurs et immigrés constituent alors un cinquième de la population marseillaise . Ils sont attirés par les opportunités économiques et la centralité géographique de Marseille dans l ’ espace euro-méditerranéen .

Le trafic de passagers s ’ élève quant à lui à deux cent mille personnes par an entre 1870 et 1930 . Pour autant , la qualité de ses passagers et des navires peut varier de façon significative , qu ’ il s ’ agisse de voyageurs fortunés en quête de prestations de luxe à bord de somptueux paquebots , de migrants de la classe moyenne en route vers le Nouveau-Monde , de touristes des Années folles , attirés par l ’ Orient ou de travailleurs esclaves ( souvent dans le cadre d ’ un trafic rémunéré et orchestré par des négociants peu scrupuleux ) en provenance des colonies , logés à fond de cale et connaissant des traversées éprouvantes dans des conditions à la limite du supportable . À la veille de la deuxième guerre mondiale , le trafic a quintuplé par rapport aux années 1870 . Près d ’ un million de

43 passagers embarquent ou débarquent chaque
année à Marseille .
Affiche des Messageries maritimes - Marseille Alexandrie La Route d ’ Égypte
Commerce et marchandises d ’ ailleurs

L

’ ouverture du Canal de Suez , l ’ expansion coloniale et la conclusion de traités de libre-échange entre la France et des pays tiers provoquent une multiplication des flux commerciaux transitant par le port de Marseille . À titre d ’ exemple , les exportations vers l ’ Algérie ont quasiment triplé entre 1855 et 1874 .

Marseille , qui commerce principalement avec les colonies , désormais largement accessibles par voie maritime , devient la première place française et l ’ une des premières places mondiales pour ses relations commerciales avec l ’ Afrique subsaharienne , l ’ Inde et l ’ Extrême-Orient . Marseille draine dix millions de tonnes de fret en 1930 . Dès lors , les cargos y déchargent des marchandises inédites , qui donnent à la ville un aspect exotique et des senteurs d ’ ailleurs : savon , huile , sucre , produits de meunerie ( farines , semoules , pâtes alimentaires , biscuits ), céréales , café , cacao , graines , bétail , laine , légumes , tabac , soie , métaux et pierres précieuses , caoutchouc , jute , coton , riz ( en provenance de l ’ Indochine française à 95 %)… mais également des marchandises moins légales ( opium , cannabis , et autres drogues dures ), ce qui donne lieu à un trafic bien connu qui prend le nom de « route de l ’ opium », entre l ’ Europe , les Indes , et la Chine . L ’ essor du commerce de marchandises s ’ accompagne par ailleurs du développement des industries de transformation ( on pense au sucre Saint-Louis ). Marseille n ’ est donc pas qu ’ un lieu de transit et son économie bénéficie directement de la transformation des marchandises importées destinées à l ’ exportation .

La décolonisation , dès la fin des années 1950 , entraîne un ralentissement sans précédent des activités du port de Marseille ( passagers et marchandises ), fortement dépendantes des colonies , et de l ’ hinterland industriel qui leur est attaché . Le port entame donc une lente et difficile reconversion qui s ’ est poursuivie jusqu ’ à aujourd ’ hui dans un contexte de concurrence maritime internationale . La présence du troisième armateur mondial , CMA CGM , et sa flamboyante tour en forme de phare veillant sur la cité phocéenne , augure cependant d ’ un avenir meilleur pour le port .

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