ToutMa ToutMa N°48 - Février / Mars 2018 | Page 40

culture

L ’ EXPO
TEXTE _ Emmanuelle VIGNE
Février / Mars 2018 _ TM n ° 48

JR le vrai visage du monde

Le hangar du J1 crée l ’ événement en accueillant les œuvres de deux artistes de renommée internationale à qui l ’ association MP2018 a donné carte blanche . Korakrit Arunanondchai , artiste thaïlandais qui vit à New York , et JR , photographe et réalisateur français , vont investir ce bâtiment emblématique , symbole du passé industriel et portuaire de Marseille , lieu phare de la Capitale européenne de la culture .
Des expositions spécialement imaginées pour le programme Marseille Provence « Quel Amour ! ». Un thème universel pour des artistes qui placent l ’ humain au centre de leur art . JR , lui , utilise un langage graphique qui ne cesse de surprendre et d ’ interroger , à travers les portraits monumentaux qu ’ il expose librement dans les rues du monde entier .
© JR
La carte blanche de JR au J1
45 jours de l ’ exposition , le service de presse

À reste très secret sur les intentions de JR au J1 . Simple volonté de l ’ artiste ? Ce que l ’ on sait toutefois du projet c ’ est qu ’ il « va mettre en scène l ’ amour porté par Marseille à la mer et aux voyages ». Le hangar , comme un vaisseau mystérieux enchaîné au quai , servira de support à une installation monumentale . Les spectateurs pourront parcourir ses artères tentaculaires dans un cheminement physique et mental , découvrant des images spectaculaires au gré d ’ une marche aléatoire . Une destination commune à tous où pourtant chaque parcours , chaque perception du visiteur / voyageur sera unique .

La ville comme toile de fond

Le grapheur de Montfermeil , né le 22 février 1983 , se définit comme un « artiste urbain ». Reconnaissable à sa silhouette élancée , un chapeau vissé sur la tête et ses lunettes noires , JR a choisi la ville comme support et le graff , puis la photo , comme mode d ’ expression . « J ’ ai commencé à 15 ans dans les rues de Paris en faisant des tags , j ’ écrivais mon nom partout en me servant de la ville comme d ’ une toile … C ’ était comme laisser notre marque sur la société pour dire « j ’ étais là » en haut d ’ un immeuble . Quand j ’ ai trouvé un appareil photo dans le métro , j ’ ai commencé à faire un reportage de ces aventures , tirant les photos sous forme de petites photocopies . Puis , j ’ ai affiché . J ’ ai fait ma première expo de rue à 17 ans . J ’ encadrais mes photos avec une bombe de couleur pour qu ’ on ne les confonde pas avec de la pub ! La ville est la meilleure galerie que je pouvais imaginer ! » * Une manière directe de s ’ exprimer et d ’ exister , à la frontière de la photographie et du street art . Ses photographies collées ont depuis pris la taille des murs , des immeubles , conférant à ses portraits une grande puissance architecturale par le truchement d ’ un anamorphisme dont lui seul a le secret , avec le noir et blanc pour signature , comme une empreinte éternelle .

Chroniques de Clichy-Montfermeil , France 2017 © JR
« L ’ artiviste » urbain

Par sa démarche artistique et à travers l ’ utilisation de la photographie il attribue un rôle social , esthétique et politique à l ’ image . Il donne aux sujets de ses photographies une voix et une présence uniques . Ses grands portraits de jeunes de banlieue exposés dans les quartiers bourgeois de Paris ( Portrait d ’ une génération ) ou ceux d ’ Israéliens et de Palestiniens , face à face , affichés de part et d ’ autre de la barrière de sécurité de la cité brisée de Bethléem ( Face to Face ), montrent des visages drôles , déformés par des grimaces . Touchants , étonnants , ils se rapprochent de la caricature mais surtout de nous . Il n ’ est plus question de « racaille » ou de tout autre jugement social ou religieux … l ’ humain a pris le dessus .

Dans Women are Heroes , JR souligne cette fois la dignité des femmes qui sont souvent prises pour cible dans les conflits armés . Il a ainsi invité maris et veufs à leur rendre hommage en lui apportant leurs photos . JR donne ainsi la parole aux anonymes , aux oubliés et propose un art participatif . Des favelas de Rio aux bidonvilles d ’ Afrique , les communautés tout entières s ’ initient aux actions de collage . Tout le monde vient jouer un rôle et les spectateurs deviennent acteurs . C ’ est aussi le cas dans Visages Villages , road movie réalisé avec Agnès Varda dans les campagnes de France qui vient d ’ être nommé aux Oscars 2018 dans la catégorie meilleur film documentaire .

Le travail de JR mêle art et action : il interroge , remet en cause nos préjugés et ouvre de nouvelles perspectives . Il nous parle d ’ engagement , de liberté , d ’ identité et invite au dialogue ceux qui ne fréquentent pas les musées . Qui dit que l ’ art ne peut pas changer notre perception du monde ?

l ’ expo

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* discours de JR au Prix TED du 14 mars au 13 mai
J1 place de la Joliette , Marseille 2 ème _ www . jr-art . net / fr
© JR
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