ToutMa ToutMa N°48 - Février / Mars 2018 | Page 37
histoire
NOTRE VILLE
Nota bene : pour la rédaction de cet article, nous nous sommes
principalement appuyés sur le livre de Denise Jasmin, Henry
Espérandieu, la truelle et la lyre (éditions Actes-Sud).
L’École des beaux-arts
et la bibliothèque Carli
E
n 1859, le maire Honnorat se prend à rêver d’un
musée, d’une bibliothèque et d’une École des
beaux-arts qui se dresseraient sur l’ancien jardin du cou-
vent des Bernardines. Il voit trop grand car il n’y a que
7 484 m 2 de surface bâtissable. Il faudra se contenter de
ne construire ici que la bibliothèque et l’école. Et c’est
Espérandieu (déjà architecte de la ville de Marseille) qui
portera ce beau projet en 1865. Il conçoit deux grands
bâtiments, un jardin intérieur et un escalier d’honneur
menant à la bibliothèque. Sur les façades seront inscrits
les noms des principaux styles architecturaux. Mais,
là encore, des difficultés budgétaires vont rapidement
apparaître, ralentissant les travaux, obligeant la muni-
cipalité à privilégier le site Longchamp (choisi pour
accueillir les musées déplacés). Le chantier redémarrera
en 1872 mais ne sera achevé qu’après la mort de son
architecte. La presse locale saluera sans grand enthou-
siasme son inauguration. Et ce n’est qu’un siècle plus
tard qu’elle redécouvrira tout le travail fait par Espéran-
dieu sur ce site.
Le palais Longchamp
A
u départ, il y a le percement du canal de la Durance
par l’ingénieur Franz Mayor de Montricher,
en 1839. Les travaux prendront fin dix ans plus tard avec
l’installation du château d’eau sur la butte Longchamp.
Néanmoins il manquait un décorum à cette innovation
qui allait garantir une eau abondante et saine à tous les
Marseillais. Le projet est successivement étudié par
deux maires de Marseille, Elysée Renard et Jean-
François Honnorat. Mais c’est finalement un de leurs
successeurs, Théodore Bernex, qui mènera à bien sa
réalisation en 1869. Le premier, le sculpteur Auguste
Bartholdi propose un monument allégorique à la Du-
rance sur le modèle de la fontaine qu’il a conçue pour
Bordeaux. Mais ses différents plans sont écartés par un
jury d’experts composé de Vaudoyer, Labrouste et
Baltard. Ce qui profite, une nouvelle fois, à Espéran-
dieu dès 1861, même au prix d’une violente polémique
car Bartholdi revendiquait la paternité du projet. La réa-
lisation du palais Longchamp sera, malgré tout, le chan-
tier le plus gratifiant pour Espérandieu car il pourra choi-
sir tous ses collaborateurs, comme le sculpteur Jules
Cavelier pour la fontaine et le peintre Pierre Puvis
de Chavannes pour les fresques murales du musée des
Beaux-Arts. Lors de son inauguration en août 1869,
il sera proposé pour le Prix de l’Empereur
- fait exceptionnel pour un monument de
province ! - que, finalement il n’obtiendra
pas. La guerre franco-prussienne, dès
l’année suivante, se chargera d’en
chasser l’amertume.
Présence d’Espérandieu
D
écédé le 11 novembre
1874 à la suite d’une
fluxion pulmonaire, Henry-
Jacques Espérandieu fut aussitôt
inhumé au cimetière protestant
de Nîmes. Il reste cependant l’un
des plus illustres enfants de Mar-
seille et c’est à elle que sa célébrité est
à jamais liée. Sa présence y est pourtant
discrète. Non loin du palais Longchamp,
une rue longue et étroite porte son nom. Et
35
l’on peut voir, dans la cour d’honneur du palais Car-
li, son buste de marbre avec, inscrites sur sa colonne,
ses principales réalisations. Mais a-t-il besoin de plus ?
Car ce sont elles qui resteront, aussi longtemps que
durera cette ville, les sûres garantes de sa mémoire.
Témoins muets d’une époque où l’on valorisait davan-
tage l’œuvre concrète d’un homme que son image et
ses propos.