ToutMa ToutMa n°47 - Novembre / Décembre 2017 | Page 12

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RENCONTRE
INTERVIEW _ Céline BOUCHARD

Lisa VIGNOLI confidences d ’ auteur

Quand une jeune et talentueuse journaliste livre avec simplicité toute l ’ intimité de sa démarche écrivaine , on lui envie son aisance . Lisa Vignoli aime les gens et raconter leur histoire . Photographe émérite , journaliste d ’ investigation , sociologue de la mode , cette jeune Marseillaise s ’ est déjà fait un nom dans le monde de la presse parisienne . Et bientôt dans celui des auteurs à succès , après avoir vu son premier roman être sélectionné pour deux prix littéraires , le Renaudot et le Flore ...
© Philippe MATSAS / Leemage
ToutMa : Comment prend-on la décision d ’ écrire un roman ?
Lisa Vignoli : Je pense que c ’ est une envie qui mûrit lentement . Pour moi , cela faisait plusieurs années qu ’ elle était là sans que je ne me lance vraiment . Paradoxalement , si j ’ osais , je dirais que j ’ ai toujours su , depuis l ’ âge où l ’ on se permet d ’ y penser , qu ’ un jour , j ’ écrirais et que je publierais un livre . Il y a même deux ou trois bouts de débuts qui traînent encore dans mes tiroirs et puis , celui-là qui vit sa vie aujourd ’ hui .
TM : Avais-tu déjà ton sujet en tête depuis longtemps ?
LV : Non , mais il s ’ est imposé très vite . Comme si je savais . Deux ans pile après la naissance de cette idée , Parlez-moi encore de lui est sorti en librairie . Entre temps , il y a eu la rencontre du sujet et de mon éditeur , l ’ écriture , la fabrication et enfin la publication . Deux ans , ça paraît long , mais pour tout ça c ’ est assez rapide finalement !
TM : Comment expliques-tu la fascination qu ’ exerce Jean- Michel Gravier ( ton personnage principal ) sur toi ?
LV : Ma rencontre ( fictive puisqu ’ il est mort quand j ’ avais 7 ans ) avec ce personnage est totalement au cœur du livre . Il y a sans doute une profession commune , la nôtre , journaliste . Une sensibilité et un enthousiasme aussi , qui résonnaient en moi . Et puis , son parcours prometteur , flamboyant , qui a pris fin trop tôt . En découvrant cet homme j ’ ai pensé à une phrase du romancier James Joyce qui dit : « Il mourut avec un bel avenir derrière lui ». Je voulais raconter ce bel avenir , le faire durer un peu .
TM : Quelles ont été les difficultés que tu as pu rencontrer ou à l ’ inverse les plaisirs que tu as ressentis pendant le temps de l ’ écriture ?
LV : La principale difficulté est assez banale quand on écrit : le sentiment que je n ’ allais pas arriver au bout , tenir le marathon . Ce qui est assez mince et passe en s ’ y collant !
Les plaisirs ont été beaucoup plus vastes . Comme je n ’ ai pas connu mon personnage , j ’ ai dû enquêter , aller chercher ceux qui l ’ avaient côtoyé . Cette phase d ’ enquête , par exemple , a été un immense bonheur fait de rencontres assez dingues comme celle d ’ Isabelle Adjani qui m ’ en a parlé avec une grande émotion , les larmes aux yeux , ne voulait plus lâcher ma main au moment de nous quitter . Plus j ’ avançais , plus je me réjouissais : je suis partie d ’ un dessin blanc dont je n ’ avais que les contours et chaque entretien venait colorer et préciser le visage de cet homme après qui je courais . Surtout , tout le monde avait l ’ air de confirmer mon intuition . Parler de lui devenait une bonne idée .
TM : Combien de temps pensais-tu que l ’ écriture prendrait ?
LV : Je n ’ en avais pas la moindre idée . C ’ était ma première fois . Comme dans une histoire d ’ amour , j ’ essayais simplement de rendre le quotidien agréable sans me demander combien de temps tout ceci allait durer .
TM : Est-ce la maison d ’ édition qui choisit ses auteurs ? Comment s ’ est passée ta rencontre avec Stock ?
LV : Bien sûr , Stock choisit ses auteurs . C ’ est d ’ ailleurs une maison d ’ édition dont je lisais beaucoup de livres avant qu ’ elle ne devienne la mienne . La rencontre s ’ est faite assez naturellement : je savais plus ou moins que Manuel Carcassonne ( le directeur général ) souhaitait que l ’ on fasse quelque chose ensemble alors , quand j ’ ai eu une idée je la lui ai proposée et il m ’ a dit « oui » tout de suite . C ’ était courageux de sa part de vouloir un livre sur un inconnu écrit par une inconnue !
TM : Tu as été nominée dans la catégorie essai pour le prix Renaudot et également sélectionnée pour le prix de Flore , quelle a été ta réaction en l ’ apprenant ?
LV : Je me dis : « Qui est cette fille qui porte ton nom et te ressemble sur ces listes ? »
TM : Es-tu revenue au journalisme aujourd ’ hui ?
LV : Je n ’ ai même jamais arrêté . Pendant que j ’ écrivais , je continuais à rédiger mes articles pour M , le magazine du Monde , Vanity Fair et Grazia . Et j ’ ai repris de plus belle , depuis !
TM : Quels sont tes domaines de prédilection , tes préférences dans ce métier ?
LV : Je suis dingue de portraits . Ce n ’ est pas un hasard si mon premier livre en est un , en quelque sorte . J ’ aime creuser les personnalités , chercher les paradoxes , les forces , les failles , comprendre les itinéraires de vie . Les gens sont passionnants , non ?
TM : Quels sont tes projets pour demain ?
LV : Mon principal projet est de continuer à faire et écrire ce que j ’ aime . Concrètement cela passe par l ’ écriture d ’ un scénario , des articles qui me passionnent , la création d ’ un « Prix Jean-Michel Gravier » et d ’ un deuxième livre ( que je viens de signer ) !
Novembre / Décembre 2017 _ TM n ° 47 10
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