ToutMa ToutMa n°46 - Septembre / Octobre 2017 | Page 5
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VOS STARS
ToutMa : Presque une décennie passée au Cercle des
Nageurs de Marseille (CNM)… Si tu devais résumer en
quelques mots, les temps forts de cette période, quels
seraient-ils ?
Camille Lacourt : J’aime reprendre ce qui pourrait être
notre devise, que je fais mienne pour l’occasion : « Sérieux
sans se prendre au sérieux ». Le CNM m’a permis de conju-
guer le plaisir et le ludisme tout en me hissant au plus
haut niveau de ma pratique sportive. Quand j’ai décidé de
m’engager au CNM, Paul Leccia, le président, m’avait
dit que je trouverais plus qu’un club : une famille. Je crois
que cela pourrait être la devise du Cercle, c’est-à-dire celle
du FC Barcelone, mais avec la dimension humaine en plus.
Comme dans toutes les familles, il y a des hauts et des bas,
et on ne s’entend pas toujours avec tous les membres, mais
à la fin de sa vie on s’aperçoit que c’est un pan essentiel.
C’est la même chose dans ma carrière.
TM : Dans quel état te trouves-tu psychologiquement et
physiquement après dix années intensives de compétition ?
CL : Je me sens bien physiquement et je crois que le titre
de champion du monde à Budapest en est la meilleure il-
lustration. J’aspire par contre à la pratique d’autres sports
que la natation. J’ai beaucoup joué au squash cette saison,
et je suis attiré par le golf qui allie endurance et adresse,
des notions nouvelles pour moi. Psychologiquement, je
me sens gourmand de découvrir des environnements nou-
veaux que m’ont empêché les exigences horaires du sport
de haut niveau. J’aime intervenir dans des séminaires en
entreprise pour découvrir les réalités du monde du travail
qui m’étaient étrangères jusque-là et faire des passerelles
entre le sport et le monde économique. J’aime aus si m’oc-
cuper de mon restaurant-club « Le Fidèle » à Saint-Ger-
main-des-Prés et me frotter aux contraintes commerciales
de ce type d’activité qui représente un défi « sportif » jour-
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nalier. Enfin, j’aspire à participer à des tournages en tant
que « guest », à des émissions emblématiques et m’essayer
à des activités auxquelles la notoriété permet d’accéder.
TM : Quand et comment as-tu pris la décision de mettre
un terme à ta carrière de nageur ? N’est-il pas difficile de
s’arrêter sur une victoire ?
CL : Il est plus facile de mettre un terme à sa carrière sur
une victoire que sur une défaite, frustrante par définition.
J’avais envisagé de terminer sur les J.O. de Rio mais après
des discussions avec le staff, notamment avec Julien Ja-
quier mais aussi avec mon agent, Jean-François Sales-
sy, j’ai été convaincu qu’il fallait effacer l’affront de Rio et
ma sortie inopportune - mais que j’assume sur le fond - sur
le dopage qui laissait penser que j’aurais pu être un mauvais
perdant… J’étais loin de penser que je serais champion du
monde du 50 mètres dos à Budapest mais j’avais la volonté
de passer une année à essayer de transmettre des valeurs
de plaisir aux jeunes nageurs qui m’observeraient. J’espère
que la victoire des Championnats du Monde servira à mon-
trer aux plus jeunes que la passion est indissociable du tra-
vail. Sans cela, mieux vaut passer à autre chose.
TM : On se demande toujours ce qu’un sportif de haut
niveau fait « après ». Quels sont tes projets professionnels
immédiats ?
CL : Des séminaires, « Le Fidèle », la TV et peut-être le
cinéma… mais aussi tout ce que je n’imagine pas encore.
Je crois également qu’il va falloir que je réussisse à mettre
tout ça en ordre car je vais passer d’une période de quasi
mono-activité à une posture « gourmande » mais encore
inconnue. On parle souvent de la dépression du jour
d’après (la carrière) pour le sportif de haut niveau, faite du
vide et du téléphone qui ne sonne plus mais je crois que je
vais y échapper (rires).
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TM : Penses-tu rester à Marseille pour y faire ta vie ? Quels
sont les gens qui comptent pour toi ici ?
CL : Je n’imagine pas ma vie sans Marseille, cette ville qui
m’a si bien accueilli et tant donné, mais ma vie familiale
m’oblige à poser mes valises à Paris pour élever ma fille.
C’est pour moi la priorité absolue. Mais j’ai quelques pied-
à-terre à Marseille et je sais que je vais les utiliser abon-
damment. La chaleur de la ville et de ses habitants sont
indispensables à mon équilibre. Je ne vais pas m’amuser à
citer des noms, j’aurais trop peur d’en oublier. Mais com-
ment oublier les patriarches du CNM, véritables gardiens
du temple quand les plus jeunes sont plus ingrats, les liens
indéfectibles avec mes coéquipiers dans une équipe qui a
formé ce que certains ont appelé « un clan » et que nous
revendiquons fièrement, la complicité avec d’autres na-
geurs « à la vie, à la mort », le travail invisible mais profes-
sionnel avec les gens de Pimiento Agency, les discussions avec
les anciens, et puis aussi les moments de doute, de détresse
face à la blessure, le manque de résultats immédiats, les
traîtrises, les éloignements inhérents aux déplacements,
les salissures des médias assoiffés de sensationnel… Mais
tout cela est le propre du genre humain et je suis plutôt du
style à ne retenir que le meilleur.
TM : Comment vois-tu l’avenir dans la peau d’un homme
« ordinaire », sans tout ce remue-ménage autour de toi ?
CL : Ce sont les « autres » qui réfléchissent en ces termes.
Qu’est-ce qu’une vie ordinaire ? La vie est extraordinaire
en soi. Me lever à côté de ma fille est extraordinaire à
mes yeux, et pourtant ordinaire aux yeux de la plupart. Je
n’échangerais pas ce moment contre toutes les médailles.
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