ToutMa ToutMa n°46 - Septembre / Octobre 2017 | Page 36
tous azimuts
HISTOIRE
TEXTE _Jacques LUCCHESI
L’Eden, dans le berceau du cinéma
Avec ses 122 ans, l’Eden est le plus vieux cinéma du monde
encore en activité. Et c’est à La Ciotat qu’il se trouve.
’il est un art qui a changé notre
rapport à la réalité, c’est bien le
cinéma. Véritable machine à rêves,
il déploie depuis cent vingt ans ses
rets un peu partout sur la planète,
générant un chiffre d’affaires annuel
de presque cent milliards de dollars.
Ce culte-là a bien sûr ses dieux et ses
grands prêtres avec les stars et les
producteurs ; il a aussi ses temples
avec les salles dites obscures. Là, face
à l’écran, enfoncés dans un fauteuil
moelleux, nous avons tous passé une
partie de notre jeunesse à vivre par procuration des aventures
délicieuses ou périlleuses, exaltantes dans tous les cas, comme
la vie quotidienne ne nous en offre que rarement - elle qui aurait
plutôt tendance à les prohiber.
V
ient cependant un âge où l’on se demande où et quand tout
cela a commencé. Pour le savoir il faut venir à la Ciotat,
au cinéma Eden-Théâtre. Cette salle de 208 places (elle en eut
jusqu’à 250) est considérée comme le plus vieux cinéma du
monde encore en activité. On n’entre pas ici sans une certaine
émotion. Pensez donc ! Depuis la grande cour jusqu’à la salle de
projection, avec sa moquette rouge, ses escaliers et ses piliers
en bois, tout est d’époque. Comme d’ailleurs le projecteur que
l’on peut voir sur le balcon, face à la scène « à l’italienne ». Juste
à côté, on découvre les bustes des frères Lumière, Auguste
et Louis, inventeurs du 7 ème art, mais aussi celui de leur père
Antoine, le promoteur de cette fabuleuse aventure.
P
roviseur à la retraite et président de l’association Les Lumières
de l’Eden, Michel Cornille est intarissable sur le berceau
et les débuts du cinéma. C’est lui qui a remis ce cinéma dans
le circuit en 2013, après avoir bataillé contre une société
immobilière qui voulait le transformer en parking. Depuis, son
inscription au patrimoine national l’a soustrait définitivement
à ce genre de sacrilèges. Oui, l’histoire de l’Eden tient de la
saga romanesque. Fondé en 1889 par Alfred Seguin, un
entrepreneur marseillais, c’est d’abord le plus grand café-
concert de La Ciotat. Il va le revendre à Raoul Gallaud qui va le
faire prospérer durablement. Parmi ses amis, il y a un industriel
lyonnais, peintre et photographe à ses heures, qui vit dans un
château voisin : le bien nommé Antoine Lumière. Celui-ci a deux
fils assez portés sur les sciences. Louis, en particulier, a fabriqué
une étrange boîte noire avec laquelle il enregistre des scènes de
rue, restituant leur mouvement. Pourquoi ne pas organiser une
séance de projection ? Elle aura lieu, la toute première fois, au
château paternel, le 21 septembre 1895. C’est un succès et cent
cinquante invités découvrent, fascinés, une dizaine de petits
films, dont L’arroseur arrosé. Du coup Raoul Gallaud veut rééditer
l’évènement à l’Eden, le 14 octobre suivant. Ce sera, cette fois,
un « bide », mais Antoine Lumière reste confiant sur l’avenir
de cette invention familiale. Le 28 décembre, il la présente à
Paris, au Salon Indien, devant un parterre de trente spectateurs
enthousiastes. A la fin de la projection, un certain Georges
Méliès veut même la lui acheter : en vain. C’est toujours
Antoine qui, en homme d’affaires avisé, embauche peu après,
des opérateurs chargés de collecter des images sur les cinq
continents. D’autres salles de cinéma s’ouvrent çà et là, mais
sans viabilité. L’Eden, en revanche, résiste et organise, (.../...)
Association LES LUMIÈRES DE L’EDEN
25 boulevard Georges Clémenceau, La Ciotat
_04 88 42 17 60 [email protected]
Plein tarif des séances : 6,50 €
S