ToutMa ToutMa n°46 - Septembre / Octobre 2017 | Page 16

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TALENT
TEXTES _ Matis MONDET & Emmanuelle VIGNE

Hilarhi ARCADE & Alison HEMMES une vision d ’ avant-garde

C

‘‘ réer pour marquer le futur ’’, précurseur ou anachronique , cette déclaration synthétise la paradoxale force de La Petite Lunette Rouge ( LPLR ), révolution dans le monde de l ’ optique depuis 2016 . Double cerveau à l ’ origine de ce séisme créatif , Alison Hemmes et Hilarhi Arcade . Inspiré , visionnaire , résolument tourné vers demain , leur travail bicéphale tranche avec tout ce qui était connu jusqu ’ alors . « On crée comme si on avait deux ans d ’ avance », plaisante ce dernier , dans le secteur de l ’ optique depuis 1997 . Pourtant partis du vu et revu clip solaire des 80 ’ s , ils ont tout déconstruit pour réinventer la lunette . Le verre plat et la double barre droite rouge deviennent les fondations de leurs modèles architecturés , aux lignes nettes et au style très pointu quasi futuriste . S ’ ajoute à cela une fascination commune pour l ’ art contemporain et les grands visionnaires . Léonard de Vinci , Marcel Duchamp , Issey Miyake , Jules Vernes , Le Corbusier ou encore Steve Jobs , ces pionniers ont tous une paire de LPLR à leur nom .

Les deux fondateurs bousculent ainsi les codes et les identités , et même les leurs . Ils fuient , à l ’ image de Martin Margiela au début des années 90 , les designer stars devenus icônes sacralisées , préférant cultiver la discrétion . Dans l ’ ADN de la marque , l ’ audace donne le ton mais n ’ occulte en rien deux autres priorités aux yeux du duo : la qualité et l ’ exclusivité . Savoir-faire tricolore oblige , leurs modèles sont fabriqués à Oyonnax , dans l ’ Ain , l ’ un des berceaux historiques de la lunette française . Exit le mass-market , LPLR n ’ est commercialisée que dans une poignée d ’ adresses pointues dont le concept store parisien Colette - nec plus ultra de la branchitude - qui fermera d ’ ailleurs ses portes en décembre . « Entrer chez eux et être en vitrine en trois mois alors qu ’ ils ne font habituellement jamais de collaboration pour des lunettes , reste notre plus grande satisfaction », admet avec fierté Hilarhi Arcade , et de poursuivre : « Nous ne voulons pas galvauder notre marque ... Nous ne voulons pas que nos lunettes soient portées par tout le monde , elles s ’ adressent à des précurseurs , des personnes suffisamment audacieuses pour s ’ afficher avec nos créations en plein milieu du visage ». Lorsqu ’ il s ’ agit de se tourner vers l ’ avenir , ce Breton d ’ origine ne cache pas son ambition : « Désormais l ’ objectif est de faire entrer La Petite Lunette Rouge dans le milieu du luxe , d ’ en faire une référence pour peut-être un jour ouvrir une première boutique dans une mégalopole . Le plus fou serait d ’ oser quelque chose qui n ’ a encore jamais été fait : lancer une marque entière ( vêtements , accessoires , etc .) en partant de lunettes ! », conclut-il , le regard brillant et lucide . Une histoire à ne pas perdre de vue … MM

_ www . lapetitelunetterouge . com Chez ARCHIMBAUD OPTICIEN Saint-Barnabé & Les Docks Village

Mitri HOURANI la vie en Boboboom

Mitri Hourani est un « artiste artisan » à la manière de Chaissac , « faisant des choses artistiques avec le geste artisan » * . Il détourne et réinvente les objets avec élégance et fantaisie . Des objets de rebut , qui ont cessé d ’ être utiles , auxquels le styliste donne une seconde vie , laissant à réfléchir sur notre appétence à consommer . Passés par ses mains , textiles désuets , meubles rustiques ou luminaires kitch deviennent ultra tendance tout en étant chargés de poésie par le vécu qu ’ ils dévoilent . « Je retravaille les styles , je façonne des objets existants . J ’ aime raconter des histoires , inviter le public dans mon monde , un univers où l ’ imagination est sans cesse sollicitée . J ’ en appelle à la mémoire collective : mes abat-jour par exemple , évoquent toujours des souvenirs émus chez ceux qui les voient … c ’ est mon objectif , créer de l ’ émotion ».

Son enfance en Afrique où la ‘ récup ’ est inscrite dans le processus de création l ’ a bien sûr influencé ; tout comme sa passion pour les luminaires , souvenir d ’ une jeunesse passée dans un Liban en guerre où la bougie palliait au manque d ’ électricité . Arrivé à Aix-en-Provence à 18 ans , il rejoint Marseille après avoir passé son diplôme de styliste modéliste et crée en 1994 sa société éponyme Mitri . « J ’ ai lancé les premiers matelas à l ’ ancienne qu ’ on utilisait tels des coussins de sol et c ’ est avec cette marque que j ’ ai eu le prix Découverte Maison & Objet pour la lampe Ourson ( 2002 ) ». Egalement scénographe pour de nombreux hôtels et restaurants , Boboboom , sa deuxième entité de création de mobiliers et objets déco le propulse figure de la déco bobo , invité en 2016 des salons de Milan et New York . Cette rentrée il présente un sublime textile imprimé canevas coloré , une collection d ’ opalines en verre et une réédition de chaises détournées . Le rendez-vous est donc donné au salon Maison & Objet ! EV

MITRI CRÉATION _ 06 78 02 92 63 _ boboboom . com
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Source : Les Artistes Artisans , dans le Laisser-Aller des Eliminés . Lettres à l ’ Abbé Coutant ( 1848-1950 ) Gaston Chaissac , éditions Plein Chant , 1979 .
Septembre / Octobre 2017 _ TM n ° 46 14
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