ToutMa ToutMa n°43 - Février / Mars 2017 | Page 8

vous PORTRAIT

TEXTE _ Jeff CARIAS

Jean-François CAUJOLLE sans filet

Les amoureux de la petite balle jaune attendent chaque année le mois de février avec impatience car c ’ est le moment de l ’ Open 13 Provence de tennis . Rencontre avec son créateur , Jean-François Caujolle pour un entretien qui ne ressemblait pas du tout à celui que j ’ avais imaginé . Jeff vs . Jeff , Caujolle au service , balles neuves …

J

’ avais commencé à écrire mon article avant même de le rencontrer . Je l ’ avais rédigé dans ma tête . Mes scuds et plaisanteries étaient affutés et je me réjouissais par avance du texte que j ’ allais vous ciseler . En effet , quand Céline Bouchard ( ma patronne bien aimée ) m ’ a proposé de dresser le portrait du patron de l ’ Open 13 , je me suis dit que , pour une fois , j ’ allais gagner facilement le salaire indécent qu ’ elle me verse pour chacune de mes contributions littéraires .
Avant même de poser mes fesses devant ce grand gaillard aux cheveux gris que je croyais bien connaître , j ’ ai appuyé sur « vider la corbeille » et j ’ ai troqué mon interview contre une discussion . Bien m ’ en a pris .
Jean-François Caujolle m ’ a parlé librement . Libre … voilà un mot qui lui colle parfaitement à la peau . Bien sûr , nous avons évoqué Marseille Capitale Européenne du Sport , bien entendu , je l ’ ai questionné sur le tournoi Open 13 Provence qui démarre le 20 février prochain au Palais des Sports , mais ce n ’ était pas le plus intéressant . Jean-François m ’ a confié avoir eu deux vies . La première , il l ’ a passée sur les courts de tennis du monde entier ; il l ’ a vécue dans la peau d ’ un branleur ( sic ), un joueur de tennis dilettante , talentueux mais un peu feignant sur les bords de la raquette . S ’ entraîner 12 mois sur 12 , se soumettre à une discipline de fer et connaître une vie d ’ ascète … très peu pour lui . Pendant les tournois , il préférait visiter les musées et les restaurants des villes dans lesquelles il posait ses sacs plutôt que de fréquenter les terrains d ’ entraînement . Cela ne l ’ a pas empêché d ’ être durant quelques années le 51 ème meilleur joueur mondial , de battre Björn Borg ou Guillermo Villas mais il y avait un plafond de verre qu ’ il n ’ a pas eu envie de crever .
Cet homme modeste et discret , détaché de tout , me confie avoir été un peu « con » à cette époque . Il m ’ explique avoir compris à 40 ans que ce sont les erreurs qui font progresser , que les reconnaître nous ferait gagner du temps .
A 20 ans , Jean-François Caujolle n ’ était pas capable d ’ un tel recul . « C ’ est dur de reconnaître qu ’ on est mauvais » m ’ avoue-t-il dans une sincérité touchante . « Quand on est sportif , on connaît beaucoup d ’ échecs , soit on s ’ en sert pour rebondir , soit cela t ’ inhibe . J ’ ai préféré accuser le public , la météo , les journalistes , la terre entière que de me remettre en cause . Aucune de mes défaites ne m ’ appartenait . »
Jean-François s ’ est trompé d ’ adversaire durant 15 ans et puis , la maturité venant , il a ouvert les yeux : « J ’ ai assumé mes succès et mes échecs et cela a été une révélation pour moi , comme si je me réveillais ». Je lui demande alors si le Caujolle d ’ aujourd ’ hui , avec le physique du Caujolle d ’ autrefois , serait un meilleur tennisman ; sa réponse fuse comme un passing-shot : « Je serais dans les 15 meilleurs joueurs mondiaux ! ». Il ne plaisante pas et je le crois volontiers tant cet homme semble invincible , résilient , imperturbable et serein ; des qualités utiles quand on est un jeune sportif de haut niveau .
On parle aussi de notoriété et d ’ argent mais Jean-François me regarde dans un grand sourire . Il s ’ en fout . Il a refusé de vendre son tournoi à un émir qui en proposait le double de son prix . Il n ’ a gardé ni raquettes , ni médailles , ni coupes de ses années de gloire sportive . Les récompenses , la Légion d ’ Honneur ? Non merci .
Quand je lui demande la trace qu ’ il souhaiterait laisser sur terre ( battue ) une fois qu ’ il aura joué son dernier match , le seul perdu d ’ avance , il éclate d ’ un rire franc : « Rien ! Tu me mets dans une boîte et tu me brûles . Je veux qu ’ on se souvienne de moi en tant qu ’ être humain . Je ne sauve pas des vies , je n ’ ai rien fait d ’ exceptionnel ». Promis Jean-François : je me souviendrai de toi comme d ’ un être sacrément humain .
Open 13 Provence du 20 au 26 février 2017
_ www . open13 . fr
Février / Mars 2017 _ TM n ° 43 6
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