ToutMa ToutMa n°41 - COLLECTOR | Page 24

h histoire PORTRAIT TEXTE _Jacques LUCCHESI Gaston DEFFERRE le seigneur de Marseille Le 7 mai 1986 disparaissait Gaston Defferre après trente trois ans de « règne » sur Marseille. Retour sur une époque et un parcours politique exceptionnel. 12 mai 1986 I ls sont tous là, ou presque, les ténors politiques du moment. Ils sont venus à Marseille pour les funérailles de Gaston Defferre, mort cinq jours plus tôt d’une hémorragie cérébrale : il avait 75 ans. Devant son cercueil, face à l’Hôtel de Ville, on peut voir tous les barons du socialisme marseillais, amis ou ennemis. Il y a aussi des ministres de droite, issus de la nouvelle majorité, comme François Léotard et Charles Pasqua, son successeur place Beauvau. Il y a bien sûr Edmonde Charles-Roux, sa troisième et dernière épouse. Il y a enfin le président de la République lui-même, François Mitterrand et son épouse Danielle, un peu en retrait dans des fauteuils de velours rouge. Les orateurs se succèdent à la tribune : Lionel Jospin, Jacques Chaban-Delmas, Jean-Victor Cordonnier. Ils rappellent, chacun à leur manière, le socialiste et le résistant que Defferre fut. Un peu plus tard, ils seront moins nombreux à accompagner sa dépouille au carré des protestants du cimetière Saint-Pierre. La succession au fauteuil de maire est désormais ouverte. Elle va être particulièrement féroce. Mais au fait, qui était Gaston Defferre ? Qu’a-t-il fait pour laisser une telle trace dans la mémoire marseillaise ? 30ans Septembre / Octobre 2016 _TM n°41 Collector 10 ans ! Des débuts romanesques D euxième enfant d’une famille protestante gardoise, Gaston Defferre naît dans l’Hérault, à Marsillargues (sans doute un clin d’œil du destin), le 14 septembre 1910. Si sa mère est rigoriste, son père, brillant avocat, est par contre un flambeur et un séducteur invétérés. Ses absences sont fréquentes et Gaston s’impose peu à peu comme l’homme de la famille. Adolescent, il est plus porté sur la danse, l’équitation et la moto que sur les études. Néanmoins, il fait son droit et va apprendre le métier d’avocat auprès de son père, à Dakar. Leurs rapports seront souvent tendus. En 1931, il vient à Marseille s’inscrire au barreau. Rapidement, il se fait une réputation dans le droit des affaires, malgré son caractère frondeur. Si ce futur pourfendeur du communisme a alors des sympathies pour le régime soviétique, c’est néanmoins à la SFIO qu’il s’inscrit : il n’en déviera plus jamais. En 1935, il se marie avec une ancienne institutrice, Andrée Aboulker. Leur mariage durera dix ans. Puis viendra le moment de l’aristocrate Paly de Barbarin. Mais aucun enfant ne naîtra, non plus, de ce second mariage. compter et s’endette. Engagé volontaire en 1939 puis démobilisé en 1940, il reprend ses activités d’avocat tout en essayant de fédérer les syndicalistes locaux et les premiers résistants. Ce qui aboutira, en 1941, à la création du réseau Brutus. Outre André Boyer, son alter-ego, et Félix Gouin, ex-député socialiste et futur président du Conseil, on y trouve déjà quelques « amis » corses aux relations douteuses, comme Xavier Culioli et Horace Manicacci. Là aussi, Defferre monte vite en grade, chapeautant la résistance socialiste dans la zone sud. En 1943, il entre en clandestinité, va aussi à Alger où il rencontre - sans enthousiasme particulier - le général De Gaulle, alors chef de la France libre. En août 1944, il prend une part active à la libération de Marseille et réalise un coup de maître en faisant main basse sur « Le Petit Provençal », journal collaborationniste qu’il rebaptise « Le Provençal, journal des patriotes et des résistants ». En l’absence de tout conseil municipal depuis 1939, il s’impose ainsi à la tête de la délégation municipale. Le voici maire officieux de Marseille. Mais il lui faudra patienter encore neuf ans avant d’en devenir officiellement le premier magistrat. Le militant et le résistant A u sein de la SFIO locale, son ardeur, ses points de vue originaux - et aussi son opportunisme vont lui faire rapidement gravir les échelons. Déjà, il intervient dans les débats publics, voyage, dépense sans 22 Retrouvez tous nos reportages sur www.toutma.fr