ToutMa ToutMa n°38 - Hiver 2015 / 2016 | Page 8

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VOS STARS
ENTRETIEN _ Camille JALAGUIER

Emmanuel

KRIVINE

au Grand Théâtre de Provence

© Philippe Hurlin
Le Grand Théâtre de Provence accueille la Chambre Philharmonique pour une résidence de trois saisons et nous pourrons y retrouver le grand chef d ’ orchestre Emmanuel Krivine . Ce dernier a débuté sa carrière en tant que violoniste puis s ’ est consacré à la direction d ’ orchestre . Directeur musical de l ’ Orchestre National de Lyon puis de l ’ Orchestre Philharmonique du Luxembourg , il fonde en 2004 la Chambre Philharmonique réunissant des musiciens de différentes formations européennes jouant sur des instruments adaptés aux œuvres qui se sont notamment distingués pour leur enregistrement de l ’ intégrale des symphonies de Beethoven . Pour ouvrir la saison , Emmanuel Krivine a choisi le romantique Brahms avec la symphonie n ° 3 et le concerto en ré majeur accompagné au violon par l ’ éblouissante Patricia
Patricia Kopastchinskaja .
Kopastchinskaja .
TM : Quel rapport entretenez-vous avec Aix-en-Provence ?
Emmanuel Krivine : Je viens à Aix depuis toujours ! Je venais déjà au festival Musique dans la Rue lorsque j ’ étais jeune dans les années 70 . J ’ ai même été professeur là-bas . J ’ ai beaucoup d ’ amis dans la région et puis mon père était médecin pas loin dans les Alpes-de-Haute-Provence . C ’ est un grand plaisir de revenir ici .
TM : Les origines russes et polonaises de vos parents vous ont-elles enrichi musicalement ?
EK : Il y a beaucoup de peuples doués pour la musique , les Russes et les Polonais en font indéniablement partie . Dans la vie , la musique vient avant la parole , les sons bien avant les mots , alors oui , on peut dire que j ’ ai dû être sensibilisé à la musique russo-polonaise dès mon plus jeune âge .
TM : Connaissiez-vous le Grand Théâtre de Provence ?
EK : Je suis déjà venu au Grand Théâtre , notamment lors du Festival de Pâques de Renaud Capuçon qui est très chouette . C ’ est une chance pour cette région d ’ avoir cette salle . Le vieux casino qui a été démoli n ’ avait pas une si bonne acoustique . En plus , l ’ équipe du GTP est très sympa , il y a une bonne ambiance .
TM : Quelle a été votre collaboration avec Dominique Bluzet , le directeur du GTP ?
EK : Je suis très reconnaissant à Dominique Bluzet de nous avoir offert cette résidence , c ’ est un plaisir et un honneur . Nous avons établi la programmation ensemble . C ’ est idéal quand les salles et les résidences collaborent .
TM : Vous êtes tous les deux attachés à la transmission , notamment celle avec les jeunes .
EK : C ’ est très important de s ’ occuper des jeunes car c ’ est le public de demain . Mais c ’ est aussi celui d ’ aujourd ’ hui , il ne faut pas l ’ oublier , et il faut les amener à s ’ intéresser à la musique classique . C ’ est bien que la musique survive à l ’ ère du digital , c ’ est nécessaire . C ’ est comme l ’ eau de source qui jaillit , il faut absolument que tout le monde ait accès à ça .
TM : Pourtant à Aix , les festivals de Pâques et d ’ Art Lyrique attirent plutôt un public de connaisseurs ou d ’ habitués ...
EK : Oui mais ça ne veut pas dire que les autres ne peuvent pas y aller . Ce n ’ est pas parce que « les bourgeois » se sont emparés de la musique classique qu ’ elle n ’ est faite que pour eux . Pour autant , l ’ accessibilité n ’ est pas qu ’ une question de prix . Lorsque les salles proposent des tarifs attrayants , ça ne marche pas forcément mieux .
TM : Vous avez créé la Chambre Philharmonique en 2004 . Quel est son fonctionnement ?
EK : Nous avons cinq ou six projets par an pour éviter la routine . Les musiciens se choisissent en cooptation , ils ne sont recrutés ni par moi , ni sur concours . Enfin nous sommes tous payés pareil , chef compris !
TM : Vous travaillez sur des instruments d ’ époque : que cela signifie-t-il ?
EK : C ’ est la particularité de notre formation ! « Instrument d ’ époque » ne veut pas dire « instruments baroques » mais réalisés avec les matériaux et techniques de fabrication de l ’ époque du compositeur : des cordes en boyaux , des timbales en peau … Si l ’ on doit reprendre une partition de 1920 , on tente de s ’ adapter . La fabrication des instruments de musique a beaucoup évolué mais une symphonie de Brahms , ne gagne pas en modernité pour autant … et ceci se vérifie vraiment avec les compositeurs romantiques . Aujourd ’ hui les orchestres grossissent et deviennent de plus en plus performants pour atteindre la virtuosité qui devient à la mode . Nous , nous jouons avec des instruments d ’ époque , nous privilégions l ’ artisanat dans la musique , un peu comme le vigneron qui travaille son terroir en biodynamie …
TM : On connaît votre programme d ’ ouverture en décembre . Qu ’ en est-il pour début 2016 ?
EK : Tout d ’ abord , le samedi 30 janvier à 15h , les solistes de la Chambre Philharmonique proposent un concert « Schubert et famille » avec l ’ Octuor en fa majeur D . 803 . Et le mardi 2 février à 20h30 , la chambre Philharmonique devient orchestre à cordes avec les suites pour cordes d ’ Edvard Grieg ou la Sérénade pour cordes op . 48 de Tchaïkovski .
GRAND THÉÂTRE DE PROVENCE 380 avenue Max Juvénal Aix-en-Provence
_ www . lestheatres . net _ 08 2013 2013
Hiver 2015 _ TM n ° 38 6
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