histoire
NOTRE VILLE
TEXTE _Romain BONY-CISTERNES
L’intemporelle VILLA VALMER
Intemporelle, on l’aperçoit parfois au gré d’une promenade sur la Corniche, nichée sur les hauteurs dans un écrin de
verdure, en retrait par rapport à cette avenue très empruntée par les automobilistes. Sans qu’on en connaisse tout à
fait l’histoire, et c’est bien là notre propos, elle fleure bon le passé glorieux de Marseille, accrochée sur un roc face
à l’immaculée Méditerranée, vestige du riche passé commercial de la ville, à l’époque des grands négociants.
À
l’image de certaines de ses semblables qui par-
sèment la célèbre Corniche Kennedy, comme la
Villa Gaby (au numéro 285), propriété de l’Assistance
publique des hôpitaux de Marseille, ou le château Ber-
ger, qui abrite un fameux centre de bien-être, la Villa Val-
mer semble attirer la curiosité. Située au numéro 271,
presque invisible depuis la rue (à peine peut-on voir une
entrée sommaire flanquée d’une allée qui serpente dans
la nature), elle culmine à une hauteur raisonnable, plan-
tée au cœur d’un parc de près de deux hectares, qui, dit-
on, jouit d’un des angles de vue les plus époustouflants
sur la cité phocéenne. Raison pour laquelle d’ailleurs ce
parc, qui comme la villa qu’il abrite appartient à la Ville
de Marseille, est resté, depuis les années 1970, public.
O
r, à Marseille, à l’exception notable des calanques,
il ne reste guère d’écrin de verdure aussi luxuriant
que celui-ci. De là, vous admirerez le pont de la Fausse-
Monnaie, les îles du Frioul, la rade de Marseille ou en-
core des espèces végétales moyen-orientales (comme le
pin d’Alep) sous un angle sans pareil. La Villa Valmer et
son parc forment donc un tout indissociable qui, depuis
la construction de la villa en 1865, a épousé les reflets
des époques qu’il a traversées, décennie après décennie.
Été 2019 _TM n°55
Genèse d’un joyau du patrimoine
architectural et culturel marseillais P
difiée à la fin du xix e siècle, la villa constitue la com-
mande spéciale d’un riche négociant de Salon-de-
Provence, Charles Gounelle, tombé amoureux des
environs. Ce Gounelle, à l’époque où Marseille était
l’un des ports les plus flamboyants du monde, fit fortune
dans le secteur des oléagineux, en négociant les huiles
fabriquées à partir de matières premières venues des cinq
continents. Grande famille de Marseille, les Gounelle
cherchaient un lieu de villégiature à la hauteur de leur
réputation : faste, majestueux, mais discret. La traversée tumultueuse du xx e siècle
É
N
ée sous le nom de « Vague à la Mer », la villa devint en-
suite, rapidement, et par contraction, « Valmer ». Un
nom qui ne l’a plus quittée depuis. C’est l’architecte Henry
Condamin, moins célèbre que Jacques Henri Espé-
randieu mais à qui l’on doit l’élargissement de la rue
Noailles et l’hôtel Grau sur le haut de la Canebière, qui
imagina cette villa de style néo-renaissance ; comprenez :
une architecture aux contours plutôt flous, directement
héritée de la Renaissance, particulièrement en vogue
entre le milieu et la fin du xix e siècle et caractéristique du
style Second Empire.
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our lui assurer l’avenir radieux auquel son proprié-
taire la destinait, la villa fut bénie, dès 1867, par
Mgr Place, alors évêque de Marseille, qui insista pour
pour qu’on lui adjoigne une chapelle. Au décès de Charles
Gounelle, c’est l’une de ses filles, devenue comtesse de
Villechaize, qui en hérita.
À
voir la villa telle qu’elle est aujourd’hui, les volets le
plus souvent fermés, ses pièces conservées par la fraî-
cheur de l’obscurité, ouvertes seulement pour les grandes
occasions, l’on pourrait la croire immortelle. Elle a pour-
tant traversé un xx e siècle mouvementé, en passant de main
en main, plus ou moins bien intentionnée.
C
’est ainsi qu’en 1940, alors que la guerre éclate, elle
est réquisitionnée par la marine allemande (Kriegs-
marine), avant de revenir, après la période noire, entre
les mains de l’École nationale de la marine marchande,
qui en conservera la propriété pendant plus de vingt ans
(entre 1945 et 1975). Elle a d’ailleurs été le siège de
cette dernière jusqu’en 1967. Quoi de plus normal pour
un joyau qui semble se confondre avec la mer ?
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