vous
PORTRAIT
TEXTE _Agnès OLIVE
Deborah
PARDO
la femme aux albatros
D
eborah Pardo est née en 1986 dans une famille
de commerçants en prêt-à-porter dans le 15ème à
Marseille. Ses grands-parents paternels, réfugiés à Marseille après avoir été expulsés d’Egypte en 1956, sont
arrivés ici sans rien, alors que du côté de sa mère ils
vivaient à Constantine et sont rentrés aussi pendant la
guerre : « dans ma famille ce sont tous des battants, des travailleurs, des gens toujours positifs malgré toutes les difficultés
de la vie » confie-t-elle. Elle habite avec ses parents dans
le 12ème arrondissement et toute petite déjà, comme
beaucoup de fillettes de son âge, elle adore les animaux,
mais sa passion s’accroît quand elle grandit, à tel point
qu’elle veut travailler plus tard avec eux. Elle a déjà du
caractère et des idées car dès le lycée, bien qu’elle ait les
capacités de faire de grandes études, elle décide qu’elle
ne sera pas vétérinaire. « Parce que quand on est vétérinaire en ville on travaille beaucoup plus avec les êtres humains
qu’avec les animaux » raconte-t-elle. Et elle, ce qu’elle
veut, c’est travailler vraiment avec les animaux !
A
A
ujourd’hui Deborah qui a trente ans et vient d’être
maman est spécialisée dans les albatros : elle a été
embauchée par le célèbre Institut Polaire de Cambridge
où elle suit au quotidien les moindres mouvements des
albatros qui sont tracés avec des bagues de métal numérotées ou des puces, c’est comme ça qu’elle peut suivre
leurs migrations et surveiller de près la démographie
de l’espèce qui est menacée comme beaucoup d’autres
animaux par la pêche industrielle et le réchauffement
climatique.
lors Deborah fait des études scientifiques à la Fac
de Saint-Jérôme (un DEUG de Biologie des populations et des écosystèmes) et elle commence à travailler
dans le parc naturel de Port-Cros où elle va observer ses
premiers oiseaux marins : les puffins. En 3ème année, elle
part en Suède avec Erasmus et là, elle prend conscience
qu’à l’international les laboratoires de recherche sont
plus compétitifs et les possibilités plus nombreuses
qu’en France et que sans doute il faudra partir travailler
ailleurs… et elle sera prête car en Suède elle a appris à
parler anglais couramment.
L
e coup de foudre elle va l’avoir lors d’un voyage
à Kerguelen où vit une colonie de 3000 couples
d’albatros à sourcils noirs. C’était en décembre 2009 :
« quand j’ai vu un albatros pour la première fois, j’ai trouvé ça
tellement beau que je n’arrivais plus à respirer » dit-elle avec
encore beaucoup d’émotions.
M
ais Deborah ne se limite pas à travailler au quotidien avec les albatros. Elle vient d’être sélectionnée pour un projet exceptionnel : partir avec 77 autres
femmes, toutes de formation scientifique, venues de
huit pays différents, et Deborah est la seule française !
C’est une expédition de trois semaines en Antarctique,
triste symbole actuel du réchauffement climatique…
L
e but de cette expédition est d’élever l’image et la
place des femmes scientifiques pour leur donner un
rôle plus important dans tout le travail qui doit être fait
aujourd’hui pour sauver la planète ! « Les scientifiques ne
sont plus des vieux barbus de 70 ans, aujourd’hui ce sont les
femmes modernes et investies qui sont les mieux placées pour
travailler sur le réchauffement climatique » explique-t-elle.
Le projet est organisé et déjà financé pour la moitié mais
l’autre moitié doit être autofinancée par chacune des 78
participantes. Du coup Deborah a lancé une campagne
de participation dans sa ville natale où elle revient tous
les trois mois si possible pour retrouver ses amis et sa
famille. Un gros coup de cœur pour Deborah qui nous
fait voler très haut avec ses albatros…
...donner un rôle plus
important aux femmes
dans le travail qui doit être fait
pour sauver la planète !
O
n apprend beaucoup de choses avec Deborah sur
ces animaux qui sont les plus grands oiseaux marins du monde : ils peuvent mesurer jusqu’à 3 mètres 50
d’envergure ! Ils vivent en principe jusqu’à 50 ou 60 ans
au-dessus de l’océan Antarctique et volent parfois un
an sans jamais se poser sur terre… mais chaque année
au moment des amours ils reviennent exactement au
même endroit et retrouvent exactement le ou la même
partenaire !
Été2016 _TM n°40
14
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