Tennis-mag #112 - Août 2018 Tennis-mag #112 | Page 29

Archives Andrée Martin
MAIS JE TRAVAILLAIS FORT . JE FRAPPAIS . JE JOUAIS . JE M ’ AMUSAIS . J ’ AVAIS UN COUP DROIT DÉCROISÉ INCROYABLE . JE NE PENSAIS PAS À GAGNER OU À PERDRE , MAIS SEULEMENT À DONNER TOUT CE QUE JE POUVAIS , MON 100 %.
Le sauveteur à la piscine du parc lui sert de partenaire d ’ entraînement deux ou trois fois par semaine avant le début du camp à 9 h . Et comme si ce n ’ était pas suffisant , elle échange aussi des balles au moins trois fois par semaine avec son oncle Maurice après les heures de camp !
L ’ été suivant , son grand-père maternel affirme : « Elle est prête à jouer des tournois . » Et il faut croire qu ’ il avait du flair …
Lors d ’ un tournoi pour les 15 ans disputé au Club de tennis Monkland , elle fait ses débuts … à 13 ans ! D ’ entrée de jeu , Andrée surprend rien de moins que la première favorite du tournoi , avant de s ’ incliner au tour suivant . Quelques semaines plus tard , elle est couronnée championne chez les 13 ans du Québec et … du Canada !
PRIORITÉ TENNIS
L ’ été suivant , elle demeure à Montréal afin de se consacrer pleinement au tennis . Le matin , c ’ est au défunt Club Le Manoir , dans Notre- Dame-de-Grâce , qu ’ elle s ’ entraîne . En début d ’ après-midi , elle poursuit au Mont Royal Tennis Club avant de se rendre au Monkland .
Et comme ce n ’ était pas suffisant , elle frappe des centaines de balles sur le mur , motivée par la musique qui est diffusée à tue-tête de son « transistor ». « Mon grand-père m ’ avait fait lire un article sur Jane « Peaches » Bartkowicz , joueuse numéro un aux États-Unis , qui a appris le tennis sur le mur . Elle frappait 1 000 coups par jour . Moi aussi , j ’ allais en frapper autant . J ’ en ai donc frappé des coups sur le mur ! »
RAPIDEMENT DOMINANTE
Andrée Martin aura été active sur la scène provinciale , nationale et internationale . En 1962 , elle occupe la tête du classement national chez les 14 ans . Deux ans plus tard , en 1964 , elle répétera l ’ exploit , simultanément chez les 16 ans et les 18 ans . En 1965 , année où elle remporte les Internationaux de tennis junior du Canada , elle sera sacrée meilleure joueuse junior du pays et fera son entrée , à 17 ans seulement , dans le Top 10 du classement général canadien . Elle restera dans ce peloton de tête durant 12 ans , soit jusqu ’ en 1976 . Durant neuf ans , de 1967 à 1975 , non seulement sera-t-elle la seule Québécoise à faire partie de ce groupe sélect , mais elle sera également indélogeable du Top 3 national . En 1970 , elle sera couronnée Reine du tennis canadien et atteindra ainsi son rêve ultime . Ayant peine à retenir ses larmes , elle relate son match contre la Torontoise Jane O ’ Hara en finale du Championnat canadien fermé disputé à Toronto .
« Je perds la première manche 6 à 4 . J ’ ai joué mon meilleur tennis et je ne suis pas capable de jouer mieux que ça . Le match se poursuit et je gagne le deuxième set . Durant la pause règlementaire de 15 minutes , je vais dans le vestiaire . En revenant , quelqu ’ un me lance en anglais : ‘’ Tu ne pourrais jamais avoir une meilleure chance !’’ Et je lui réponds : ‘’ Je le sais .’’ Je suis alors plus consciente . Jane avait senti la pression . J ’ ai continué à jouer du beau tennis et , quand j ’ ai gagné , je me suis dit : ‘’ j ’ ai atteint enfin mon objectif ’’. J ' étais tellement contente . »
O ’ Hara et Martin mettront ensuite leur rivalité de côté afin de remporter le titre en double . À cinq autres reprises au cours des six années suivantes , Andrée enlèvera les honneurs en double lors de ces championnats , soulevant encore trois fois le trophée aux côtés d ’ O ’ Hara .
L ’ AUTODIDACTE
Les performances d ’ Andrée Martin lui auront valu d ’ être admise aux panthéons des sports du Québec , du tennis québécois et du tennis canadien . Ayant évolué dans des conditions qui n ’ étaient pas optimales , ses exploits sont d ’ autant plus méritoires . Outre quelques leçons privées reçues ici et là , Andrée Martin n ’ a jamais eu de véritable entraîneur ! Et , contrairement à ses principales adversaires ontariennes et britanno-colombiennes , dont O ’ Hara , Susan Stone et Janice Tindle , ce n ’ est qu ’ à de très rares occasions qu ’ elle a pu s ’ entraîner au Québec dans des installations intérieures durant l ’ hiver , et ce , jusqu ’ à l ’ arrivée des premiers clubs de tennis intérieur véritablement accessibles .
Mais a-t-elle eu accès au Montreal Indoor Tennis Club ? « Le Montreal Indoor ? Ah ben non . C ’ était seulement réservé à une certaine clientèle et surtout pas les femmes ! Toutefois , vers l ’ âge de 15 ans , grâce à l ’ initiative de Thérèse Blais ( Élie ), je jouais le vendredi , de 19 h à minuit , dans le gymnase de l ’ école St-Luc . La surface était très rapide et multilignes , mais nous étions contents de jouer durant l ’ hiver . »
« Est-ce que je rêvais à une carrière internationale ? Bien sûr que non . Mon rêve quand j ’ étais jeune ? Si je peux devenir championne canadienne , je vais être bien contente . Parce que je voyais tout le monde autour qui avait des entraîneurs alors que moi , je n ’ en avais pas . Je m ’ entraînais par moi-même . Je n ’ étais pas bien développée . J ’ aurais été une meilleure joueuse si j ’ avais eu un entraîneur . Je constate aujourd ’ hui que je faisais toujours la même chose sur le terrain . Il n ’ y a personne qui m ’ a ouvert l ’ esprit . »
« Mais je travaillais fort . Je frappais . Je jouais . Je m ’ amusais . J ’ avais un coup droit décroisé incroyable . Je ne pensais pas à gagner ou à perdre , mais seulement à donner tout ce que je pouvais , mon 100 %. »
Archives Andrée Martin
Lors d ’ un voyage en Afrique du Sud , en mars 1972 ( à l ’ âge de 22 ans ) alors qu ’ elle jouait pour le Canada en Coupe Fed au Ellis Park de Johannesburg .
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