ReMed 2018 ReMed Magazine N°4 - Cutting Edge | Page 8

Le mot d ’ ordre était Courage et Honneur

Sciences de la Santé

Nous n ’ étions pas au bout de nos surprises , termine Dr . Lassal , lorsqu ’ enfin nous sommes arrivés à un résultat satisfaisant , nous nous apprêtions à imprimer avec le composite spécial quand nous nous sommes rendus compte que l ’ imprimante n ’ était pas adaptée à ce genre de matériau . Pour faire simple , lorsque le matériau est mélangé à son liquide , il se produit une réaction d ’ agglutination qui dure moins de trois minutes , au-delà desquelles le matériau devient solide . Sachant que pour imprimer une prothèse , il faut compter au minimum trois heures . Nous étions bloqués à ce moment , intervient Dr . Terrak , nous avons même brisé plusieurs têtes d ’ imprimante . C ’ est là que Dr . Lassal a imaginé une solution , une double solution pour être plus précis . D ’ abord , il a modifié la tête d ’ impression en l ’ élargissant et en lui ajoutant un dispositif qui permettait de contrôler la réaction de solidification ; ensuite , il a modifié le matériau en y ajoutant des additifs qui ont permis de retarder au maximum la réaction . Cela a marché à merveille . C ’ était un véritable coup de maître de sa part . En réalité , tout le génie de la fabrication résidait dans ce point crucial . Au final , nous nous sommes retrouvés avec un matériau totalement inédit et une imprimante 3D personnalisée et unique . Permettez-moi de préciser , ajoute le Dr . Cheikh , que le matériau utilisé au CHU de Limoges est une céramique extrêmement couteuse ; notre composite personnalisé , coute six fois moins cher !
Comment avez-vous évalué la biocompatibilité du matériau et sa stérilisation ? Les paramètres du genre biocompatibilité , résistance et longévité ont déjà été évalués par des études antérieures car , à la base , c ’ est un composite connu et très utilisé . Évidemment , nous assurons nous-mêmes le suivi postopératoire pour évaluer in vivo les résultats ; car même si les tests en laboratoire étaient satisfaisants , le matériau pourrait se comporter différemment dans un milieu
8 Hiver 2018 biologique . Maintenant , concernant la stérilisation , nous nous sommes rendus compte après plusieurs essais que la stérilisation par ultraviolets était la meilleure technique , car les méthodes de stérilisation conventionnelles telles que l ’ autoclave déformaient la prothèse et modifiaient sa structure , allant jusqu ’ à altérer sa rigidité et sa forme .
Quelles difficultés avez-vous rencontré pendant la réalisation de votre projet ? Les difficultés étaient d ’ abord techniques , que ce soit pour la modélisation du crâne , la fabrication du matériau ou les capacités de l ’ imprimante à reproduire notre modèle , chaque étape de la réalisation était un véritable challenge . On devait sans cesse relever un nouveau défi . Ensuite , le problème du financement était omniprésent ; comme nous l ’ avons déjà dit , nous n ’ avons reçu aucune aide financière et par moment nous étions à sec . Il fallait redoubler d ’ ingéniosité pour pouvoir rester dans notre budget … sans pour autant y arriver .
Avez-vous reçu un soutien de vos hiérarchies respectives ? Pour notre part , commencent les chirurgiens , notre Chef de Service était derrière nous et nous soutenait . Bien entendu , elle voulait que cela se fasse dans un cadre juridique réglementaire , mais elle y voyait un moyen de sortir de l ’ ordinaire et de montrer de quoi nous étions capables . Quant à moi , continue Dr . Lassal , mon directeur de thèse , auquel je rends un grand hommage , m ’ a ouvert toutes ses portes sans aucune hésitation , il m ’ a soutenu aussi bien dans le travail que dans le mental et m ’ a offert tous les outils en sa disposition .
Avez-vous songé à abandonner ? Avant tout , il faut savoir que le projet avait pris une très grande part de notre vie , nous y travaillions chaque jour . Déjà épuisés par notre travail et nos responsabilités , nous devions en plus affronter les péripéties du projet , plus nombreuses et plus ardues à mesure que celui-ci avançait . On terminait très tard le soir , souvent sur un énième échec . À court d ’ argent ou de solutions , on avait constamment l ’ angoisse de ne pas réussir . Une fois rentrés à la maison , on essayait de mettre de côté nos appréhensions pour savourer les quelques heures ( ou minutes ) de sommeil qui nous restaient ... C ’ était pourtant le prix à payer et nous ne nous plaignions pas . Nous avons choisi d ’ aller au bout sachant pertinemment quels seraient les sacrifices que cela allait nous coûter . C ’ est ensemble que nous avons réussi à traverser l ’ épreuve . On se serrait les coudes . On se voyait quasiment chaque jour , même lorsqu ’ on n ’ avait rien à faire , c ’ était pour rester dans le rythme et se motiver mutuellement . On peut vous assurer d ’ une chose , à aucun moment l ’ idée d ’ abandonner ne nous a traversé l ’ esprit . Le mot d ’ ordre était Courage et Honneur .

Le mot d ’ ordre était Courage et Honneur