ReMed 2018 ReMed Magazine N°4 - Cutting Edge | Page 36

Littéra ’ Tour

Désapprendre , mode d ’ emploi a . Programme à un poids deux mesures Au niveau des établissements en « zone sensible », les objectifs de la Commission Thélot sont arrêtés comme suit : « les exigences définitives de l ’ ensemble du cursus scolaire : lire , écrire , compter , maîtriser une langue et l ’ outil informatique . » Aucune trace des matières de danger , l ’ Histoire , la Géographie , la Littérature et les Arts . Des jeunes étrangers à l ’ histoire , à l ’ art et à la philosophie ingurgiteront à volonté tous les prêts-à-penser que leur offrent les outils d ’ information de masse à haut débit . L ’ histoire continue d ’ être écouvillonnée partout où elle s ’ accroche ; les langues sont enseignées aujourd ’ hui sans l ’ étude de la civilisation à laquelle elles appartiennent , c ’ est comme manger un fruit en ne sachant pas de quel arbre il provient ou pire encore , ignorant l ’ existence même de l ’ arbre !
b . L ’ ennui L ’ élève s ’ ennuie en classe , c ’ est une certitude . Les uns parce qu ’ ils ont tout compris avant tout le monde , les autres parce qu ’ ils ne sont pas captivés par l ’ enseignement . Sauf que les parents savent que les enfants s ’ ennuient encore plus à la maison , particulièrement le weekend . Penser alors que l ’ ennui est la cause de l ’ échec scolaire est une farce grotesque , songer à la résoudre par décret en est une autre . Une solution ? L ’ occuper ! A quoi ? Qu ’ importe , rétorque le pédago . Il faut diminuer les heures de cours et l ’ ouvrir au monde extérieur par des activités de : « Prévention routière , info SIDA , dangers du tabac , de l ’ alcool , des sucreries . » Evidemment , tout ceci se fait en rongeant les horaires des matières dites dangereuses !
c . Orthographe « Dictée ! » « En janvier 2005 , l ’ association Sauver les Lettres a fait refaire à 2 500 élèves de troisième une dictée donnée en 1988 au BEPC 6 . Les résultats sont éloquents : 56 % des élèves , avec des critères de notation inchangés , obtenaient zéro . » La dictée sert moins l ’ orthographe que la gestion du stress , ce n ’ est pas pour rien que l ’ annonce « dictée » terrorise les élèves . Par contre , il est fortement déconseillé , de nos jours par les nouveaux pédagogues , d ’ heurter la sensibilité des petits « anges ». De plus , l ’ orthographe est désormais considérée comme concept dépassé , quand les logiciels de correction nous dispensent de faire des efforts . Résultat , les élèves adoptent un langage Schtroumpf « C ’ est géant / nul » : voilà deux adjectifs passe-partout , qui suppriment toute nuance permettant de donner de la précision à sa pensée .
d . Baisse de niveau et manuels scolaires Le niveau baisse en cherchant à produire des livres légers par le coût et par le savoir qu ’ ils contiennent , afin de s ’ adapter à la fois au marché et au niveau de l ’ élève , car selon toute apparence , le niveau de l ’ élève est devenu un constat et non un objectif à atteindre . « Travaillant , il y a quelques années , sur un manuel de sixième , je me suis vu demander par l ’ éditrice , à dix jours de l ’ impression , de supprimer deux chapitres , l ’ équivalent de ce que l ’ on appelle dans le jargon deux « cahiers », soit deux fois 32 pages . C ’ était autant de papier en moins à payer . » Aussi , chaque manuel considère comme acquises toutes les notions du manuel du niveau précédant , alors que tout est fait pour que l ’ apprenant ne les assimile pas .
e . Rhétorique L ’ extension de l ’ étude des discours et de la rhétorique a rendu les élèves pareils à des androïdes , interagissant de manière automatique et technique avec le texte ; aucune appréhension contextuelle , socio-historique , ni considération du Zeitgeist ayant mené à la production d ’ un papier , d ’ une pensée dans une époque plutôt qu ’ une autre . La vision saltatoire de la grenouille remplace la vision panoramique de l ’ aigle . C ’ est comme une publicité ; le produit se prépare la veille par le voisin d ’ à côté et la forme et l ’ image tiennent lieu de fond . Or , le travail éducatif doit créer des liens , une cohérence une HISTOIRE parmi le savoir dispensé tout au long du cursus . La connaissance aujourd ’ hui est hétérogène , disparate , incohérente à cause du « zapping institutionnalisé ».
De la violence en milieu scolaire et alentour Sa conception classique est la suivante : « La violence des jeunes serait le reflet de la violence sociale : chômage , dysfonctionnements familiaux , ghettoïsation . À cela s ’ ajouterait le phénomène d ’ imitation , reproduction dans les faits de la violence figurée et d ’ incriminer pêle-mêle la violence télévisuelle et les jeux vidéo . » En réalité , voici la vraie violence : « il y a une douzaine d ’ années , des ministres de l ’ Éducation à qui le mot d ’ ordre , lancé jadis par Chevènement , de ‘‘ 80 % d ’ une classe d ’ âge au Bac ’’ charmait l ’ oreille , ont commencé à donner des ordres précis aux recteurs et aux inspecteurs d ’ académie , toute cette hiérarchie non enseignante qui est chargée de nous apprendre notre métier . » Les parents doivent connaitre le secret de polichinelle de l ’ Education Nationale : « Si on laissait les correcteurs libres de sanctionner en leur âme et conscience , il ( pourcentage de réussite au BAC ) tomberait probablement à 20 %, ce qu ’ il était dans les années 60 . » Et les élèves ne sont pas idiots , ils savent qu ’ ils sont soudoyés . Par voie de conséquence , les banques aujourd ’ hui recrutent des étudiants au niveau de licence , alors qu ’ il y a vingt ans , le recrutement se faisait au niveau BAC . Non , ce n ’ est pas la Banque qui a besoin de nouvelles compétences mais plutôt c ’ est le bachelier d ’ autre fois qui a le même niveau que le licencié actuel . Il existe cependant un autre type de violence . L ’ école produit un élève sans mémoire avec la croyance que la technologie c ’ est le futur , alors que le futur c ’ est chaque jour ; ce qu ’ il apprend
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