ReMed 2018 ReMed Magazine N°4 - Cutting Edge | Page 30

Savoir & Vivre

s ’ affirme par elle-même et qui cherche inconsciemment à s ’ accroître .
La quête vers l ’ immortalité Le siècle que nous venons de quitter nous a réservé bien des surprises , de progrès médicaux dans toutes les disciplines , particulièrement dans la « nanotechnologie », se faisant ainsi appeler : le siècle de la molécule . « Il y ’ aura quatre révolutions simultanées qui vont tout changer : la nanotechnologie , la biologie , l ’ informatique , et les sciences cognitives . En effet , cette synergie décuplera la puissance de la recherche et permettra des avancées spectaculaires . Dans quelques années , la science-fiction deviendra la réalité . » Laurent Alexandre . Avant de parler des avancées technologiques qui nous permettront de vivre plus longtemps , définissons la mort . D ’ un point de vue religieux , la mort n ’ est qu ’ un passage d ’ une vie vers une autre à travers la séparation du corps de l ’ âme , qui est immortelle . D ’ un point de vue philosophique , la mort est un élément important de la réflexion métaphysique . Selon Platon , « c ’ est la séparation de l ’ âme du corps qui , enfin libre de sa prison charnelle , peut errer librement dans le ciel des idées de l ’ éternité ». Selon Epicure , « la mort ne nous est rien , quand nous sommes là , la mort n ’ est pas là , et quand la mort est là , c ’ est nous qui ne sommes pas . » En d ’ autres termes , la mort n ’ a de rapports ni avec les vivants , ni avec les morts , car elle n ’ est rien , et n ’ a pas lieu d ’ être tant que nous existons . Quand la mort est présente , nous n ’ en avons pas conscience , car nous ne sommes pas . D ’ un point de vue scientifique , la mort est la conséquence physiologique qui se définit par l ’ étape finale du vieillissement ( quand cette dernière n ’ est pas brutale ) qui est la conjugaison des phénomènes témoignant de la détérioration de la machine cellulaire . Pour maitriser la mort , il faut tout d ’ abord maitriser le processus de vieillissement . Là apparait la notion de « sénescence réplicative » de Hayflick , qui dit : « Le vieillissement d ’ un organisme débute juste après la phase de maturité , et progresse alors de façon irréversible jusqu ’ à la mort . » Cette théorie rejoint parfaitement Darwin lorsqu ’ il parle de l ’ évolution : « Tout est fait pour que nous soyons dans la meilleure forme possible jusqu ’ à la reproduction , ensuite le corps se fatigue , le but est atteint , le flambeau de la vie est transmis . » Ainsi , Hayflick propose de bloquer le vieillissement en bloquant la division cellulaire grâce à l ’ enzyme télomérique . D ’ autres scientifiques prônent le clonage thérapeutique . Selon eux , sur toute machine , la défaillance d ’ une pièce lorsqu ’ elle n ’ est pas réparable nécessite son remplacement . Et donc il est normal et naturel qu ’ on transpose pareil processus sur la machinerie humaine .
Si la première technique tend à maitriser la mort en maitrisant les gènes codant pour le vieillissement cellulaire et ainsi les bloquer , la seconde repose sur le remplacement des cellules défaillantes par des cellules souches préalablement synthétisées . Ces théories ont suscité beaucoup de critiques car elles soulèvent , d ’ une part , le problème de la relation entre l ’ homme et ce qui relève de l ’ immortalité au sens métaphysique , et d ’ autre part , le problème du champ d ’ investigation de la science . Jusqu ’ où peutelle aller ? Peut-elle tout maitriser au point de devenir une puissance divine ? ( 4 )
Le rapport de l ’ homme avec la mort De manière générale , le rapport de l ’ homme face à la mort est ambivalent , elle l ’ effraye autant qu ’ elle le fascine . Pour tout dire , elle l ’ obsède . La peur de la mort a développé chez l ’ homme un besoin de dominer , de maitriser . La peur de la mort va engendrer en lui un rejet , voire un déni d ’ une réalité évidente . L ’ être humain , ne pouvant pas résoudre un mal-être profond , s ’ attaquerait alors à ce qui est fondamental , ce qui est à l ’ origine et la source de son existence : la Puissance Divine . Darwin dans sa théorie de l ’ évolution affirme qu ’ en tant qu ’ espèce animale à part entière , l ’ être humain a pris sa place de dominant , et ce à l ’ instar des grands prédateurs . « L ’ homme , en devenant un super-prédateur capable d ’ abattre de grosses proies , va pouvoir conquérir tous les milieux . » ( Picq , 1999 , 79 ). Pour Picq , une rupture dans notre système de pensée est apparue à l ’ époque du néolithique , durant laquelle , en apprivoisant les végétaux et les animaux , l ’ homme s ’ est de la même façon approprié la nature . Le caractère insatiable de l ’ homme ne lui permet pas de s ’ arrêter en si bon chemin . Après avoir apprivoisé , il tente de domestiquer . Terrasson voit dans l ’ homme moderne , convaincu d ’ être un être supérieur , un drame caché . Pour achever son processus de puissance , l ’ homme tente de domestiquer et de soumettre tout être vivant à sa volonté . Il n ’ y a pas que cette vérité qui menace l ’ humanité . En voulant dompter la mort et ainsi avoir la vie prospère dont il rêve , l ’ homme se met à désirer être Dieu , en voulant avoir la mainmise sur tout ce qu ’ il a créé et ainsi reproduire ses actes autant de fois que cela lui sera permis . L ’ Eglise laisse entendre depuis un certain nombre d ’ années , que l ’ homme a été créé à l ’ image de Dieu . Ce passage peut être interprété de différentes manières , cependant les Saints voient dans ces écritures des affirmations explicites du potentiel que possède l ’ homme pour devenir un divin . Durant l ’ époque romaine , surgit une branche du christianisme qui a toujours un impact à l ’ heure qu ’ il est , et qui est « l ’ ubiquité de la doc-
30 Hiver 2018