PixaRom Sep.2014 | Page 37

BOUILLON DE PIXELS Dans le sens contraire, il y a de quoi être dérouté lorsqu’un garde continue de patrouiller dans une pièce en chantonnant, alors que le cadavre d’un camarade est en plein milieu... Et que vous avez été clairement vu le descendant ! Merci Velvet Assassin. Le froncement de sourcils est également de mise dans Daikatana où vous pouvez réduire un civil en morceaux avec l’aide d’un poing motorisé, sans que son collègue ne crie ou ne bouge. D’une façon globale, il y a un os lorsque vous tuez quelqu’un et que seul résulte l’apathie... Ce genre de pépins arrive également dans les titres où l’immersion générale est de bonne qualité, comme avec Deus Ex : Human Revolution. Au cours d’une mission, vous devez vous infiltrer au commissariat pour examiner un corps à la morgue. Cela dit, il y a aussi plein d’expérience et de butin à glaner. Mais soyez trop lent à rebrousser chemin si vous êtes surpris dans un lieu où vous ne devriez pas être ou en train de hacker quelque chose, et les policiers vous exécuteront sur place ! A force d’accumuler ce genre de gaffes cela peut devenir comique et remplacer l’intérêt premier du jeu, mais lorsque cela s’ingère dans un soft se voulant sérieux, c’est plus problématique. Les choix, quant à eux, populairement considérés comme étant plutôt l’apanage des RPG et jeux s’hybridant avec ce genre, sont une autre paire de manche. Déjà, si l’on adoptait une acception stricte du terme, tout en gardant sous le coude le concept d’illusion, relativement peu de jeu s’en tireraient avec des choix « véritables ». Autant Mass Effect peut-il être loué, autant les décisions ont un impact mineur ou négligeable par rapport à ce que l’on pourrait attendre, la fin étant particulièrement décevante de ce côté. Les effets sur la personnalité de Shepard et les réactions à son sujet sont patents, sur l’univers de jeu, bien moins. Reste que c’est un écueil pouvant être fâcheux. Des choses bénignes où votre main est forcée (comme l’obligation de dire que, oui, vous aimez les pokémons, dans Diamant/Perle) jusqu’au cas où vos réponses n’ont aucun impact (à l’instar de Golden Sun), on n’apprécie point que l’illusion soit trop transparente ou complètement brisée. Bob me fait signe que j’ai déjà trop parlé de Fable à ce sujet, je mentionnerai Long Live the Queen, où vos choix tant régaliens qu’en apprentissage de compétences ont une nette influence... Si ce n’était qu’il y a seulement certaines combinaisons pour être assuré de ne pas connaître un décès précoce, et ce, jusqu’à la toute fin ! Ou comment rendre l’illusion de liberté tout à fait vaporeuse. Bioshock est également bien connu pour offrir un faux choix, ne menant au final qu’à deux chemins d’un manichéisme sans subtilité, pire encore, choisir de sacrifier ou de sauver les Little Sisters n’a pas un énorme impact sur le Gameplay, puisque vous disposerez probablement de tout l’ADAM désiré de l’une ou l’autre manière. Le tout, finalement, se ramène assez à une question de logique. Si vous vous engagez en faveur d’une faction, il doit être normal que les autres se méfient de vous ou soient carrément hostiles, comme c’est le cas dans la série Geneforge, chacun de ses opus nécessitant que vous vous axiez sur une des forces en présence, et toutes attentives à vos actions. Et en parlant de logique... CrÉdulitÉ complaisante et plotholes Bien entendu, l’immersion transverse les différentes catégories d’oeuvres créatives. Quel que soit le média utilisé, à moins, encore une fois, qu’on ne soit dans quelque chose focalisé sur l’humour et/ou l’absurde (ou bien qui ne nécessite pas réellement une histoire, concernant plus spécifiquement le jeu vidéo), une sorte de contrat tacite est établi. Le créateur va proposer une histoire, et celui en étant spectateur ou acteur devra accepter certains éléments peu plausibles, normalement impossibles ou bien dénués d’explication approfondie pour pouvoir en profiter au mieux. Dans Star Wars (et nombre d’oeuvres de SF concernant des sujets plus ou moins différents) on ne va pas questionner les voyages plus rapides que la lumière, les principes élémentaires de la physique bafoués lors des combats spatiaux, ou la Force elle-même. C’est ce qu’on appelle suspension of disbelief en anglo-saxon, que j’ai choisi de traduire par crédulité complaisante. Il s’agit donc de fermer volontairement les yeux sur des aspects discutables pour que certains ressorts nécessaires au background et à l’intrigue puissent être mis en place. On touche là un domaine où la sensibilité intersubjective est très variable. Certains pourront être rebutés par les apartés de vos victimes dans le premier Assassin’s Creed (le récit de vie au milieu de la foule et la gorge de tranchée, c’est un peu bizarre), d’autres balaieront l’invraisemblance du revers de la main comme n’étant pas importante. Loin de moi donc l’idée d’émettre un jugement normatif ; néanmoins, il me semble qu’il incombe tout d’abord au créateur de donner des aspects de vraisemblance plutôt que de faire peser le plus grand du travail sur la tolérance du joueur. Vous l’aurez probablement deviné maintenant, il ne suffit généralement pas qu’un seul élément bloquer l’immersion pour que celle-ci soit réellement gâchée. PixaRom magazine    37