ERGOTHÉRAPEUTE EN TERRITOIRE ATIKAMEKW - QUÉBEC
par GENEVIÈVE AYOTTE,
erg.
Geneviève Ayotte a terminé ses
études à l’Université Laval en 2004.
Elle travaille maintenant à titre
d’ergothérapeute
consultante
autonome dans la communauté
Atikamekw d’Obedjiwan, aux
abords du réservoir Gouin.
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Mon parcours en ergothérapie a
été très varié à ce jour. À ma sortie
du baccalauréat, j’ai d’abord fait un
stage en coopération internationale au Honduras avec l’organisme
Mer et Monde où j’étais impliquée
auprès des jeunes de la rue et des
mères-adolescentes. Par ailleurs,
comme j’avais un intérêt marqué
pour la pratique communautaire
en santé mentale, j’ai travaillé
pendant deux ans dans ce
contexte, au sein des équipes
Program of assertive community
treatment (PACT) à Québec et
Ottawa, et Outreach à Ottawa.
Ensuite, j’ai délaissé, pendant un
moment, le système de santé
public pour m’impliquer dans un
magnifique projet de ferme
d’accueil du Centre Berthe-Rousseau. Je n’y étais pas officiellement
‘’ergothérapeute’’, mais le projet
est intimement lié à l’ergothérapie :
on y accueille des personnes
fragiles
(problématiques
fréquentes en santé mentale et/ou
consommation) et ensemble, nous
nous impliquons à travers diverses
tâches telles qu’administrer les
soins aux animaux, entretenir le
jardin et transformer des produits
de la ferme. Après trois ans passés
dans ce milieu, je suis revenue à la
pratique en CLSC, au programme
de soins à domicile, auprès des
personnes âgées.
Par la suite, j’avais la chance de
connaître Elisabeth Jacob, ergothérapeute impliquée depuis plusieurs
années auprès des communautés
d’Obedjiwan et de Wemotaci, qui
m’a contactée pour me proposer
une occasion de travail en pédiatrie
en territoire Atikamekw. Mon
implication au Centre de la petite
enfance
(CPE)
d’Obedjiwan
remonte à un an à peine. Je commence également cet automne un
nouveau mandat au Centre de
Santé d’Obedjiwan, avec les
équipes de Santé infantile et Soins
à domicile.
En premier lieu, j’ai constaté
qu’une expérience en pédiatrie,
dans un contexte structuré, aurait
été profitable avant d’intervenir
dans un milieu où les besoins sont
grands et les ressources, limitées. À
travers l’isolement professionnel,
les défis sont nombreux afin de
répondre aux besoins réels et
prioritaires des clients, tout en
développant mon champ d’expertise ergothérapique. En ce sens, il
est important de souligner que j’ai
toujours été touchée par l’ouverture d’esprit, la générosité et le
soutien de mes collègues ergothérapeutes travaillant dans divers
milieux pédiatriques à qui je me
suis souvent adressée pour trouver
des réponses à mes questions. Je
suis donc témoin d’une solidarité
Erg-go! REVUE DES ERGOTHÉRAPEUTES DU QUÉBEC
marquée des ergothérapeutes du
Québec.
Parmi les défis à relever dans mon
quotidien, il y a l’absence d’évaluations adaptées au contexte réel
d’une communauté autochtone,
avec des normes valides pour cette
population. En effet, le développement
typique
d’un
enfant
Atikamekw ne suit pas la même
trajectoire que celle du Nord-Américain moyen. Le niveau de stimulations est certes différent, comme le
sont les croyances et les habiletés
valorisées par la communauté. Cela
est lié à la culture elle-même, mais
aussi à l’histoire des traumatismes
vécus par la communauté, notamment l’effet que les pensionnats
ont engendré sur les aînés de la
communauté.
Les besoins sont grands dans la
communauté. Les traumatismes
vécus se perpétuent parfois
malheureusement et tragiquement
de génération en génération, avec
des effets dévastateurs, par
exemple, sur l’estime de soi de
parents souvent très jeunes. Cela
crée donc des problématiques
multiples chez les enfants.
Des démarches ergothérapiques
sont requises, autant au niveau de
l’apport de connaissances que pour
les outils d’évaluation. Cependant,
je crois que la clé réside dans
l’adaptation de nos approches. Il
nous faudra mieux comprendre la
culture, la communauté et ses
outils actuels, avant d’espérer de
faire comprendre l’utilité de l’ergothérapie. Afin d’établir un lien de
confiance thérapeutique, il est
réellement nécessaire de se
centrer sur la personne, et donc sur
la communauté.
OCTOBRE 2014_NO.3
Malgré
mes
connaissances
restreintes en pédiatrie, mes expériences professionnelles et personnelles m’ont permis de développer
une vision et des aptitudes me
servant à développer patiemment
les liens avec la communauté
d’Obedjiwan, suivant le rythme de
chacun. Dans ce contexte de travail,
un rôle généraliste ainsi qu’une
vision holistique sont absolument
nécessaires. Je suis persuadée que
l’implication des ergothérapeutes
au sein de cette communauté
permettra de contribuer à l’évolution de la santé d’un peuple ayant
subi de graves traumatismes, cherchant son identité et le sens de ses
occupations. Pour les gens d’Obedjiwan, l’activité signifiante par
excellence a trait à la forêt. Quand
les gens racontent leurs activités de
chasse, de pêche ou de campement, leurs yeux brillent.
Il faudra du temps et de la patience
pour se comprendre et se
connaître. Il faudra investir de
l’énergie pour valider ce que nos
outils et nos modèles ont à apporter à cette communauté et pour y
apporter les ajustements requis.
Des recherches plus exhaustives
auront peut-être lieu en ergothérapie, auprès de ces communautés.
Enfin, voici des extraits d’un texte
rédigé par moi-même l’hiver
dernier :
« (...) D'un côté, une culture. Dense
et riche, simple, mais si grande. Je
la sens dans la langue. Dans les
visages. Dans les liens à travers le
peuple. Des racines comme on ne
peut comprendre. De l'autre côté,
des cicatrices. Et des blessures à vif.
Des souffrances à travers les générations. La perte de sens. La perte
de l'identité. Une quête.(…). »
« (…) D'une part, 77 habitants
d'Obedjiwan sont inscrits pour une
marche de deux semaines sur les
terr