Montréal enSanté MES V9N4 Automne/Fall 2017 | Page 61

SANTÉ • HEALTH
UNE CINÉASTE MONTRÉALAISE AFFRONTE LA MALADIE MENTALE DANS SA FAMILLE
MONTREAL FILMMAKER CONFRONTS MENTAL ILLNESS IN HER FAMILY

Imaginez un instant que votre grand frère et votre grande sœur , que vous avez admirés et adorés toute votre vie , se transforment devant vos yeux et deviennent à peine reconnaissables . Imaginez que la réponse au comportement maniaco-dépressif de votre frère et de votre sœur soit liée à votre père absent , un homme qui selon les rumeurs serait chef de secte , escroc , bigame et prophète .

« Je pensais que toutes les autres familles étaient normales », raconte la cinéaste montréalaise Kalina Bertin . « Je réalise maintenant que de nombreuses familles sont aux prises avec des troubles bipolaires . J ’ ai appris de leur combat . Chaque famille offre le cadeau de la connaissance avec sa propre histoire à raconter . »
M me Bertin présente différentes visions dans son film Manic . Derrière la caméra , elle invite les spectateurs à entrer dans l ’ univers incroyablement complexe de la maladie mentale , du drame et du mystère qui règne au sein de sa famille . Elle raconte qu ’ après avoir obtenu son diplôme en production de film , avec une spécialisation en cinématographie , elle a senti que si elle n ’ essayait pas de comprendre la maladie mentale dans sa famille , cela la détruirait probablement .
Le film Manic suit non seulement la trace du trouble bipolaire dans sa famille , mais il révèle également une empathie détaillée envers cette condition complexe . « J ’ étais comme un enquêteur qui rassemble tous les éléments durant quatre années . Parfois , j ’ ai dû prendre du recul d ’ un côté personnel pour donner un peu de distance afin d ’ offrir un point de vue journalistique . Mais chaque personnage m ’ a menée au suivant et chaque révélation donnait plus de signification à ma quête . »
Filmer les interactions et les entrevues avec sa sœur Felicia et son frère François faisait partie de cette quête . M me Bertin réussit à capter de véritables épisodes maniaques , levant ainsi le rideau sur une maladie mentale que peu d ’ entre nous ont l ’ occasion d ’ observer et encore moins de comprendre . « La caméra était une espèce de bouclier », dit-elle . « Elle a offert une fenêtre sur l ’ univers de mon frère et ma sœur et m ’ a permis de poser des questions que je n ’ avais jamais eu le courage de poser . »
Les questions ont entraîné plus de questions à propos de sa petite enfance passée sur l ’ île Montserrat dans les Caraïbes avec un père qu ’ elle connaissait seulement grâce à de vieilles photos et des rumeurs . « Il y avait tellement de tabous concernant mon père et sa maladie mentale . Il est intéressant de soulever le débat inné / acquis », dit-elle . « Que ce soit génétique ou pas , il y a toujours la possibilité que ça devienne un cercle vicieux à l ’ intérieur de la famille . Il est tellement important de savoir ce que vos parents ont vécu afin d ’ obtenir des réponses . »
M me Bertin raconte que le film a forcé sa famille à parler de la maladie mentale , à l ’ accepter et à se rapprocher . « Regarder le film ensemble lors du festival Hot Docs à Toronto fut une expérience merveilleuse . Leur réaction était formidable , mais nous ne pouvions plus prétendre être normaux . Et c ’ est bien , j ’ ai toujours voulu avoir une vraie relation avec ma famille . M

Imagine for a moment your older siblings , a brother and a sister whom you ’ ve looked up to and adored your entire life , become barely recognizable before your very eyes . Imagine the answer to your siblings ’ manic behaviour is linked to your estranged father , a man rumoured to be everything from cult leader and scam artist to bigamist and prophet .

“ I used to think every other family was normal ,” says Montreal filmmaker , Kalina Bertin . “ I realize now just how many people have family members who struggle with bipolar disorder . I ’ ve learned from their struggles . Every family offers the gift of insight with its own story to tell .”
Ms . Bertin offers many insights in her film , Manic . From behind the camera , she invites viewers into her family ’ s incredibly complex web of mental illness , drama , and mystery .
After completing her degree in film production and specializing in cinematography , she says she felt as though if she didn ’ t set out to understand the mental illness in her family , it would probably destroy her .
Not only does Manic follow the trail of bipolar disorder in her family , it shows detailed empathy toward the complex condition . “ I was like an investigator putting all of the pieces together over the course of four years . At times , I did have to step back from the personal side of things just to give it a bit of distance in order to have a journalistic view . But each character led me to the next one , and each revelation gave more meaning to my quest .”
Part of that quest was filming interactions and interviews with her sister , Felicia , and her brother , François . Ms . Bertin manages to capture full-blown manic episodes , pulling back the curtain on a mental disorder so few of us get to witness let alone fully understand . “ The camera was a sort of shield ,” she says . “ It provided a window into the world of my siblings and enabled me to ask questions I never had the guts to ask .”
Questions brought about more questions about her early childhood , growing up on the Caribbean isle of Montserrat with a father she only knew through old photos and rumour .
“ There were so many taboos regarding my father and his mental illness . The question of nature versus nurture is a good one to raise ,” she says . “ Whether it ’ s genetic or not , there ’ s always a possibility of it becoming a vicious circle within a family . It ’ s so important to know what your parents went through in order to get answers .”
Ms . Bertin says making the film forced her family to talk about mental illness , to process it , and come together . “ To see the film together at Hot Docs in Toronto was an amazing experience . Their reaction was great , but we couldn ’ t pretend we were normal anymore . And that ’ s okay . I always wanted a real relationship with my family .” M
FALL 2017 MONTRÉAL enSANTÉ 59