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A
lors que l’Opéra national du
Rhin célèbre cette année ses
45 ans, Marc Clémeur achève
sa dernière saison à la direc-
tion générale. Son bilan est plus que posi-
tif dans la mesure où il a su conforter la
position transfrontalière et européenne
de l’OnR, avec des parti-pris très forts
en terme de programmation. Il a fidélisé
un public autour de thématiques fortes,
de compositeurs parfois moins connus,
avec une approche ouverte et pédagogue.
« Marc Clémeur a apporté des mises en
scène modernes, contemporaines, de fa-
çon douce, nous précise Mélanie Aron,
la directrice de la communication et du
mécénat. C’est ce que le public va retenir :
il a vécu cette transition en douceur vers
la modernité avec des metteurs en scène
comme Robert Carsen qui a pu dévelop-
per son cycle Leoš Janáček dont tout le
monde se souvient. » Oui, on se souvient
de Jenůfa, de L’Affaire Makropoulos ou de
La Renarde rusée comme autant de temps
forts, lui confirme-t-on. « Un pas en avant
dans la modernité », dont le public stras-
bourgeois a su profiter non sans fierté de
se voir offrir un tel cycle. D’autres met-
teurs en scène plus jeunes ont conforté la
relation qu’ils entretenaient à Strasbourg,
c’est le cas de Mariame Clément, présente
à diverses reprises, et qui revient pour
monter La Callisto fin avril et début mai.
Marc Clémeur a également su apporter
une touche très française dans le réper-
toire comme c’était le cas tout récem-
ment avec La Juive de Fromental Halévy,
« une magnifique production ». Cette
façon d’aborder le grand opéra fran-
çais avec des créations comme Ariane
et Barbe Bleue de Paul Dukas, avec une
mise en scène très troublante d’Olivier
Py, ou Louise de Gustave Charpentier
pour s’ouvrir à un public peut sembler
paradoxale, et pourtant grâce à la
présence des surtitres bilingues, le pu-
blic frontalier, allemand à Strasbourg et
suisse à Mulhouse, se déplace nombreux :
il constitue aujourd’hui près de 20% des
spectateurs, et ne cesse d’augmenter.
Ce public frontalier se montre d’autant
plus friand « qu’une production comme
La Juive est totalement contemporaine ! »
Mélanie Aron s’enflamme, à juste titre :
« Ça devrait même être une thérapie
collective ! » La dimension universelle de
l’opéra tient effectivement à ce type de
livrets à destination de tous sur la base
d’une vision intemporelle.
La nomination l’an passé d’Eva Kleinitz à
la direction générale s’inscrit dans cette
continuité-là et affirme encore plus le
rayonnement européen et international
de cet opéra unique. La présence dans
le logo de la mention « Opéra d’Europe »
ne présente rien d’innocent, bien au
contraire, c’est même la vocation de la
maison. La présence dans les murs d’Oli-
vier Py en train de préparer sa mise en
scène pour Salomé ou les collaborations
régulières avec Christian Lacroix pour les
costumes attestent cette nouvelle dimen-
sion. Mais la vraie fierté de la maison se
situe presque ailleurs, et notamment
dans cette fréquentation d’un public
jeune qui lui est enviée. « Le jeune public
est un fer de lance au sein de l’OnR. Sous
la direction de Marc Clémeur, un opéra a
été monté chaque saison à destination des
enfants. Sur une période de 8 ans, avec 25
ou 30 représentations, ça fait un nombre
d’enfants considérable. » Sans compter
que la salle peut s’enorgueillir de compter
en moyenne près de 30% de spectateurs
de moins de 26 ans. Toutes les actions
vont dans le sens de cette sensibilisation
avec des relais et des partenariats dans
les écoles. On le sait, l’adhésion de
l’enfant est immédiate à l’opéra. Au-delà
de l’émerveillement, c’est quelque chose
qui s’inscrit durablement en lui. Avec
la politique que mène l’OnR, l’envie de re-
venir est suscitée, ce qui constitue un
potentiel de fidélisation pour l’avenir non
seulement de la maison, mais d’un genre
qui, loin d’être élitiste, est ouvert à tous.
www.operanationaldurhin.eu
Eva Kleinitz,
les grandes allées
Cette année est particulière
pour vous, entre la construction
de la programmation de la saison
prochaine à l’OnR et vos fonctions à
la direction de l’Oper Stuttgart.
Oui, c’est une période intense et en
même très excitante. Mon cœur se
partage entre Stuttgart où je travaille
depuis quelques années et Strasbourg,
forcément, où j’ai commencé à
travailler cette année avec mes
nouveaux collaborateurs. Je me sens
soutenue dans ma tâche. On s’attaque
désormais aux grandes questions
qui sont liées à la préparation de la
brochure de saison à présenter au
printemps. C’est très “chaud”, merci au
TGV qui me permet de faire ces allers-
retours entre les deux villes. En 1h15,
j’y suis, c’est formidable ! [rires]
Vous avez un souvenir toute jeune
de Strasbourg, à l’âge de 8 ans.
J’étais absolument bouleversée,
la Cathédrale, la Petite France, les
grandes allées. Je me souviens de
la gentillesse de tout le monde. Je
commençais à apprendre le français
[qu’elle parle aujourd’hui de manière
admirable, ndlr], les gens étaient si
souriants au moment où je venais
demander un croissant. De suite,
j’ai eu un penchant pour cette ville
et sa région.
On imagine que votre nomination
à la direction généra le de l’OnR
manifeste une volonté de continuer
à s’ouvrir vers un public allemand
et européen.
Absolument. On s’inscrit dans la
continuité dans la mesure où Marc
Clémeur a fait un travail remarquable
dans ce sens, mais aussi à destination
du jeune public. Par ailleurs, je
suis très heureuse de commencer
le travail avec Bruno Bouché, le
nouveau directeur du Ballet. Nous
pourrons ensemble multiplier les
croisements entre les thématiques de
programmation. Ça ne peut être que
très enrichissant.