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RENCONTRE
Comment trouvez-vous le juste
équilibre ?
J’ai toujours voulu garder un pied
dans le salon, donc sur le terrain, pour
me rendre compte de l’évolution du
temps. De toutes ces vraies “choses”,
ces pratiques qui font que je ne crains
pas de me retrouver en décalage. Je le
constate malheureusement, le milieu
professionnel est très souvent décalé par
rapport aux besoins réels des gens. Je
ne peux plus dire que je sois un grand
adepte du milieu professionnel, alors
que je l’ai été beaucoup. Les coiffeurs
cherchent trop souvent à se faire plaisir,
c’est un stade que j’ai le sentiment
d’avoir dépassé. Quand nous avons trop
longtemps interprété un personnage,
nous ressentons le besoin de montrer
que nous savons faire autre chose. Dans
la coiffure, comme dans d’autres métiers,
après avoir interprété une multitude de
rôles différents, nous vivons de la même
manière ce besoin de revenir à l’essence
même du métier.
Comment sait-on qu’on revient à l’es-
sence même du métier ?
C’est très simple, c’est quand on se
pose la question de savoir si on est
vraiment utile. Et ce, quelle que soit
la circonstance, en salon, en studio ou
ailleurs. On se met dans la position
d’une forme d’obéissance par rapport
à une demande précise. Si l’on met au
service d’un couturier par exemple, on
cherche à comprendre son envie, avant
de la retranscrire avec notre propre
sensibilité. On tente d’y apporter une
touche personnelle. Naturellement, si
c’est possible. Après, on ne se refait
pas, on a chacun notre propre toucher
de cheveu, nos idées de volume. Les
approches varient, certains travaillent
de manière plus rigide, d’autres au
contraire de façon plus souple. Tout cela
est lié aux traits de caractère de chacun.
Ça a trait forcément à notre personnalité.
“ Un simple geste
peut tout changer. ”
Parlons justement de votre
personnalité à vous. Les clients qui
témoignent dans votre ouvrage
évoquent un toucher de cheveu très
singulier, un peu comme si vos doigts
virevoltent à la surface des cheveux.
Les gestes sont importants, ils doivent
rester précis. Mais avant tout, il faut avoir
un œil. Quand on exécute un geste, il
faut en même temps observer ce que
l’on fait, et savoir s’arrêter à temps.
On sait que ce geste, on ne va pas le
reproduire deux fois. Parfois, sans s’en
rendre compte, le mouvement se passe
bien, à ce moment-là il faut garder
ce qui nous semble nécessaire parce
qu’on sait qu’on ne va pas retrouver
exactement ce mouvement-là. Tout cela
est intime, cela dépend de la sensibilité
de chacun. Tout le monde ne regarde
pas de la même façon. De même, tout
le monde n’écoute pas de la même
manière non plus. Un simple geste, un
détail, peut tout changer. Ce geste-là
est déterminant, il fait que la coupe, au
final, a de l’allure ou pas. Quelle que
soit la manière, après tout, on cherche
toujours une forme d’élégance. On a
beau rajouter des accessoires dans la
coiffure ou multiplier les formes, les
couleurs et les produits, la base reste
classique : un cheveu doit être éclatant,
il doit être brillant. Automatiquement,
il devient vivant. Et c’est ce qu’on
recherche constamment : que le cheveu
devienne vivant, qu’il acquiert une forme
d’énergie. Un cheveu sain, en quelque
sorte. Simplement.
Vous semblez prôner une forme
de retenue, alors qu’on vous connaît
un goût pour une certaine forme
de théâtralisation.
Oui, par le passé effectivement, et en
même temps je m’interroge toujours sur
le résultat : qu’est-ce que cela va donner
sur la durée ? Il est nécessaire que la
coupe vieillisse bien. Si l’on prend des
exemples d’images dans le livre rétros-
pectif, le choix s’est porté sur des réali-
sations qui ont traversé le temps. Pour
certaines d’entre elles, on ne regarde pas
vraiment les dates, et on ne sait pas trop
à quel moment elles ont pu être faites,
si elles sont d’hier ou d’aujourd’hui. Ça
me permet de me dire que je travaille
à travers le temps et que ma pratique
évolue bien.
Comment évolue-t-elle cette
pratique ?
Vous savez, on ne coiffe quasiment
plus aujourd’hui. Vous me disiez « artiste
du cheveu », je me sens plus « homme
de cheveu », même plus que « coiffeur ».
La société demande autre chose, et ça
fait des années. L’objectif s’est déplacé,
les besoins ne sont plus les mêmes. On
le constate, la fréquentation des salons
a beaucoup évolué. J’ai connu une
époque où les femmes venaient toutes
les semaines, aujourd’hui elles ne le
font plus qu’une fois tous les mois dans
le meilleur des cas. Si vous entreprenez
une réalisation, en salon, quelque chose
de simple et classique, il faut remplir
un double objectif : que ça soit bien
immédiatement, mais aussi bien dans la
durée. Il faut que la coupe repousse bien,
de même pour la couleur qui doit bien