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29 d’une créativité absolue. Ils s’appuient pour cela visuellement sur l’émotion plastique contenue chez certains artistes avant d’apporter le résultat de ces expériences vécues pour faire évoluer nos collections. » Et de nous rappeler que la peinture qu’il aime tant est le miroir de nos sentiments. Sous-entendant ainsi qu’il n’est pas loin de penser qu’il en va de même pour la coiffure. «  Le beau n’est pas fonction d’une mode. Chaque femme contient en elle-même une beauté. Laquelle palpite, ne cherche qu’à se manifester, s’extérioriser. C’est cette beauté que nous devons déceler. Et mettre en valeur. » Manifestation subtile de l’évolution d’une société, objet d’attention particulière, la coiffure est peut-être l’un des signes de la mode qui ait le plus évolué au cours de ces dernières années. D’abord atout de séduction dans sa nudité primitive, la chevelure s’est peu à peu transformée en signe extérieur d’appartenance : que ça soit une manière d’être ou une pensée. Marque à la fois de la norme et de sa contestation, elle représente, identifie et singularise la personne. Longs ou courts, noirs, bruns, auburn, châtain, roux, blonds, gris ou blancs, normés ou rebelles, structurés ou déstructurés, peignés ou détachés, dénoués, lisses, bouclés, frisés, méchés, les cheveux disent ce que nous sommes autant que notre façon de vivre et de nous exprimer. De la Vénus de Botticelli à Brigitte Bardot, pour des chevelures chargées d’érotisme ou de Louise Brooks à Coco Chanel, pion- nières du cheveu court, et par là même, d’une certaine émancipation féminine, les exemples ne manquent pas pour dé- montrer la variété des symboliques qu’on accorde aux cheveux. Si la tête est le siège de l’âme, la coiffure en est sa parure. Rien d’innocent au fait que les ethnolo- gues s’intéressent tant au cheveu, même s’ils adoptent parfois une approche glo- balisante par le biais du corps, des soins ou de certains rituels. De plus en plus, ils évitent de commettre l’erreur de situer la coiffure comme un simple vêtement et par là même de traiter la tête comme un sujet à part. Ils l’intègrent de plus en plus et s’y “  Le coiffeur est un  magicien du  beau ” YANNICK KRAEMER  attachent avec une attention renforcée. Le champ d’exploration à la fois ethnolo- gique et historique s’ouvre avec des pers- pectives parfois vertigineuses. Yannick Kraemer l’admet, tout en s’amusant de la situation qui fait qu’une fois «  qu’on a retiré les bijoux et les vêtements, la coiffure reste la dernière parure. » Une parure comme affirmation de soi, véritable matière à sculpter qui fait intimement partie du corps et en cela atout majeur de séduction, à un moment où les femmes, après avoir acquis la liberté de vivre, se choisissent elles-mêmes une destinée. « On ne leur impose plus de stéréotype, nous confirme Yannick, il n’est qu’à les regarder dans la rue : tout leur est permis. Et c’est tant mieux. Les femmes bougent. Tout comme elles se sont débarrassées de certains de leurs carcans vestimentaires au cours du siècle dernier, elles se sont soustraites à des coiffures laquées et figées dans des codes qui leur étaient imposées par la société. » «  Pour moi, insiste-t-il, la femme d’au- jourd’hui affiche son désir de vivre pleine- ment en conciliant quête de plaisir et prin- cipe de réalité. Ce qui ne l’empêche pas de chercher à surprendre à tout moment. » Depuis quelques années, les collections tentent de s’appuyer sur cette aspiration à une forme d’hédonisme, en jouant sur les formes, simples ou plus complexes, afin de dévoiler une intuition double dans l’instant : celle d’une cliente et de son coif- feur. De la somme de ces intuitions ins- pirantes naît une nouvelle féminité, entre tradition et modernité, qui conduit au succès des intentions les plus intimes. La société actuelle privilégie la vitesse ! Aujourd’hui, l’on cultive une forme d’ins- tantanéité avec l’idée qu’une chose valable aujourd’hui ne le sera plus demain et du coup on crée une culture du présent, en occultant le passé,  sans forcément se préoccuper du futur. « À mon avis, il faut aller à rebours de cela, parce que ce mouvement permanent va à l’encontre de notre propre humanité. Alors oui, il faut aller de l’avant, toujours, mais au bon rythme, en se préoccupant du bien-être de chacun. » En cela, la coiffure n’échappe pas à cette nouvelle réflexion qu’on ren- contre dans le domaine de l’alimentation par exemple. Les questions s’y posent de la même manière : prend-on le temps de s’adresser à la cliente, d’évaluer ses envies, de lui soumettre des suggestions et de répondre à ses attentes  ? À toutes ces questions, selon lui, la réponse doit être un grand « oui » ! Ce qui ne l’empêche pas de s’inscrire dans la tendance du moment, quitte à influencer celle-ci. Avec ses équipes au quotidien, Yannick Kraemer nous livre sa vision très personnelle de la relation qui le lie à ses clientes, clé de toute sa stratégie : « Cela va peut-être amuser, mais pour moi, cette relation à la cliente s’apparente à une relation amoureuse. » Relation platonique – cela va sans dire –, mais relation pleine et désirante qui conduit à la satisfaction. Voire à une forme de plénitude. « Dans un monde où les choses vont vite, poursuit-il, les clientes aiment qu’on leur prodigue de l’attention, qu’on les prenne en charge et qu’on tienne compte de leur personnalité propre. Elles aiment tout simplement que leurs attentes légitimes soient satisfaites. J’ai eu déjà eu l’occasion de le dire et je le répète bien volontiers : rien ne me fait plus plaisir que de voir une cliente sortir d’un de mes salons, en se sentant belle et heureuse. »