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KRAEMER—30 ANS
HISTOIRE
passer par d’autres voies. Et notamment
par l’identification à un lieu et à une
personne de manière singulière, voire
personnalisée. Dans le domaine de la
coiffure, les clientes aiment qu’on s’occupe
d’elles, on serait tenté de rajouter qu’on ne
s’occupe que d’elles ! Une fois identifiés
le salon et le coiffeur, une fois installée la
relation de proximité – voire d’intimité –,
elles sont prêtes à manifester leur
fidélité sur la durée. Sur la base de cette
analyse qu’il s’est forgée avec une solide
expérience, Yannick Kraemer élabore à
l’orée du XXI e siècle un concept qui vise
trois cibles : la clientèle, les collaborateurs
mais aussi les futurs partenaires.
Cette triple finalité passe par sa volonté
d’insuffler un esprit créatif à l’ensemble
de ses collaborateurs afin qu’ils puissent,
eux aussi de manière valorisante, apporter
leur contribution aux développements
des codes esthétiques de la marque.
« C’est pour cela qu’au sein du groupe,
nous explique-t-il, chacun est en mesure
de créer son espace personnel. Cela per-
met à la clientèle de chercher à en savoir
plus sur la personnalité de la personne
qui les accueille et les goûts propres du
“maître des lieux”. Au-delà du service
proposé, le choix de ce lieu est essen-
tiel ; il doit avoir une âme. Il faut que la
cliente ait d’emblée un coup de foudre.
Pour cela, il s’agit de créer de nouveaux
univers, riches en émotion, chargés
de culture et de mémoire. » Ces choix
stratégiques s’appuient sur la force du
groupe, mais aussi sur la volonté tenace
qui anime Yannick, ce « tempérament
d’entrepreneur » qu’il manifeste avec une
conviction grandissante. Une manière
sans doute de faire parler différemment
« la créativité qu’il sentait en [lui] », aussi
bien par le biais des collections que par
le développement du groupe.
Les clés du succès
Comme il l’avait projeté à l’origine
pour le salon familial d’Hatten avant
de parfaire sa formation à Strasbourg,
puis à Paris, Yannick Kraemer repense
ses salons comme des lieux de détente.
« Des temples dédiés à la relaxation, dans
“ On fustige aujourd’hui la
globalisation, mais quand celle-ci
se met au service de l’échange
des cultures, des voyages et des
rêves, je la trouve profitable
pour tous ”
lesquels les prestations, les shampooings,
soins et massages, sont conçus comme des
instants de passage vers un autre monde. »
Cette vision, il la doit à ses nombreux
voyages en Asie. Dès 1996, au moment
de réaménager le salon historique de la
rue des Serruriers, il situe l’instant du
shampooing « comme le moment le plus
relaxant ». Il le conçoit comme un « instant
de détente inouï » qu’il lui faut prolonger.
De plus, il constate, dans les salons
asiatiques qu’il observe, que l’espace
dédié au shampooing est placé à l’écart,
« isolé du bruit et de la lumière », avec des
bacs allongés. À cette époque-là, ce type
de bac, malheureusement, n’existe pas.
Yannick consulte les fabricants européens,
mais personne ne dispose de forme
allongée. Dès lors, il se tourne vers des
industriels, dont Cindarella, un créateur
de mobilier pour les professionnels de la
beauté. Il se rend à Combs la Ville, le siège
de la société et échange avec madame
et monsieur Amellal. Yannick découvre
une installation allongée qui pourrait se
rapprocher de ce qu’il a en tête, mais il la
juge inadaptée au monde de la coiffure. En
industrielle avertie, madame Amellal
se montre ouverte et lui dit : « M. Kraemer,
nous sommes des industriels et nous
sommes à l’écoute. » Yannick la prend
au mot, se munie d’un crayon et dessine
une forme particulière qui favorise la
position allongée durant le lavage des
cheveux et les soins du visage, avec un
siège ergonomique destiné à épouser
parfaitement les formes du corps. Pour la
partie basse, il croise deux demi-cercles
imbriqués en s’inspirant du symbole du
Yin Yang et inscrit l’instant de relaxation
en relation avec tous les aspects de la vie
et de l’univers.
« L’eau chaude sur la nuque, le massage
du cuir chevelu, tout cela crée une
sensation de bien-être dont le client ne
profite pourtant pas assez. Bien souvent,
constate-t-il, elles n’osent pas se laisser
aller à fermer les yeux et à se détendre
complètement. Peut-être est-ce à cause
du regard des autres ou de l’atmosphère