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21 Il aimerait aller plus loin. Il propose un développement à l’international en commençant par le voisin allemand. En alsacien, en parfaite connaissance de la langue, il présente de sérieux atouts. Entretemps, il avait effectué un voyage à New York, avec Tony et son ami, ainsi que son épouse Jacqueline. Il en avait profité pour séjourner à l’illustre Hôtel Waldorf- Astoria, réputé pour ses célèbres expo- sitions d’art. Pour cette ville, il avait eu un coup de foudre immédiat : il a ressenti un «  choc émotionnel et culturel  ». Il relate, avec encore dans les yeux la joie d’un gamin face à son plus beau jouet  : « J’étais émerveillé. Tout nous y est fami- lier, les images bien sûr qui font partie de l’inconscient collectif, les couleurs, les bruits des sirènes, les fumées qui sortent des bouches d’égout. Nos repères sont si présents qu’on a le sentiment d’emblée d’être chez soi. Et puis, j’y voyais une ma- chine de guerre commerciale avec tous ces gens en train de s’activer partout et tout le temps.  » De plus, il en avait pro- fité pour visiter les galeries de Soho. En entrant dans l’une d’elles, il a un coup de foudre devant les toiles d’un jeune artiste américain, tout en constatait que le prix de ses toiles atteignait des sommes folles, jusqu’à plus de 100  000 $. Il s’avère que cet artiste surdoué n’était autre que Jean- Michel Basquiat, petit protégé d’Andy Warhol, qu’il découvrait peu de temps avant sa disparition tragique en 1988. Aujourd’hui, les toiles vues ce jour-là peuvent atteindre des montants jusqu’à 20 ou 30 millions de dollars. Nul regret cependant, mais la confirmation chez Yannick d’un état d’esprit véritable  : il se découvre l’âme d’un collectionneur d’art ! À son retour, il rêve d’une capitale. Pour lui, Berlin constitue l’équivalent conti- nental de New York en Europe. Il tente l’aventure berlinoise avec un salon mer- veilleusement situé sur la Kurfürsten- damm. «  La période fut difficile mais enrichissante  !  » Il garde de très bons souvenirs, dont ces trois années où ils ont été invités, ses équipes et lui, à coiffer les actrices et acteurs de la Berlinale, le grand festival de cinéma qui récompense le lauréat d’un ours d’or : Penelope Cruz, Melanie Griffith, Carole Bouquet, Anto- nio Banderas… Il nous rapporte cette fois où Emmanuelle Seigner lui a ouvert la porte de sa chambre d’hôtel en… pei- gnoir  ! «  Elle souhaitait quelque chose de simple, une coiffure sortie du lit  !  » Yannick lui lave les cheveux à la salle de bains quand on frappe à la porte : le grand Roman Polanski lui-même, qu’il coiffe également avant de se retrouver embarquer malgré lui dans le déplace- ment des meubles de la chambre  –  la disposition ne convenait pas au célèbre réalisateur ! Avec enthousiasme, il se re- mémore l’instant singulier partagé dans l’intimité de ce couple illustre. Une nouvelle marque Cependant, au bout de quelques années, l’aventure berlinoise s’achève, Yannick en tire des enseignements stratégiques précieux. De plus, la disparition de Bruno Pittini en 1995 a rompu au sein du groupe l’équilibre fragile entre pragmatisme et créativité. Dès lors, Yannick ressent un peu plus fortement encore le besoin de voler de ses propres ailes. Il inaugure ses premiers salons sous le nom de Luis Kraemer à Strasbourg. En 2000, il lance sa marque ! Il le fait non sans risque, pre- nant pleinement conscience qu’il redé- marre tout à zéro, même si cette décision s’appuie sur près de 20 ans de pratique du métier et sur des idées précises de ce qu’il veut changer dans le monde de la coiffure. Il le sait cependant, il lui faut tout reconstruire. Il dispose de quelques atouts et d’un réseau considérable de salons qui lui ap- partiennent, lesquels passent automati- quement sous son nom. Yannick profite de l’occasion pour penser son concept, afin de l’adapter à la nouvelle situation. La nécessité d’exister l’incite à favoriser en très peu de temps l’ouverture de près de quarante filiales, des salons franchisés au nouveau groupe naissant sous l’en- seigne Luis Kraemer. Bon nombre de ces salons ont été rachetés par les managers qui ont manifesté l’envie de rester dans le giron Kraemer. C’est à ce moment-là “  Chaque pays a son histoire. ” précisément que naît une nouvelle forme de développement : la franchise Kraemer. Yannick le constate  : «  Je comble mes doutes liés par une nouvelle créativité, la constitution d’une équipe et le développe- ment d’un nouveau groupe. » Il tire de cette expérience la satisfaction personnelle de construire quelque chose dont il maîtrise à la fois l’initiative et la finalité, en donnant l’impulsion à ses collaborateurs. Il s’appuie pour cela sur un constat navrant  : l’uniformisation du monde dans lequel nous vivons  : les marques internationales uniformisent tout, aussi bien en France qu’à l’étran- ger  ; elles tuent toute forme de créati- vité. Il voit dans cette situation qu’il juge « dramatique » une forme d’appauvrisse- ment qui va à l’encontre des échanges de pratiques et de cultures. De plus, il estime qu’il s’agit là d’une erreur stratégique. Un comble ! Dès lors, il a le sentiment qu’il lui faut restaurer non seulement cette créativité. Selon lui, la fidélisation de la clientèle doit