Magazine n°9 KRAEMER_MAGAZINE_09_pages-simples | Page 17

17 La part de rêve Par Emmanuel Abela Photos Thomas Gogny À l’occasion des 30 ans du premier salon de Yannick Kraemer à Strasbourg, retour sur un parcours riche en émotions. L a coiffure est toute sa vie. Yannick Kraemer a grandi dans le salon que son père dirigeait à Hatten, près de Wissembourg. Il était dit qu’il serait coiffeur, qu’il reprendrait le salon de son père, Yannick ne s’est pas dérobé : il est entré en préap- prentissage, puis en apprentissage. Avec l’humilité qui le caractérise, il nie sa part de destinée, mais les faits sont là : à l’âge de 15 ans, il entame une riche carrière dans la coiffure. Nous sommes en 1976. De ses premières années passées sous la responsabilité d’Alphonse Schalck, un maître d’apprentissage bienveillant à son égard, il apprend le goût du travail bien fait, il aime fignoler, notamment quand il prolonge ses longues journées en coif- fant les « amies », puis les « amies de ses amies », avant d’élargir le cercle à sa fa- mille et à son entourage. Il s’attache aux détails, et surtout cherche à répondre à des demandes spécifiques. L’histoire veut qu’il ait tenté d’échapper un temps au métier, en rejoignant ses amis qui gagnaient mieux leur vie en travaillant dans la construction de l’autre côté de la frontière, dans le Bade Würtemberg voisin. L’anecdote amusante rapporte qu’il se voit promu au chariot élévateur avec la responsabilité d’un Fenwick – il se fait railler par ses camarades qui le baptisent le « Koenig der Staplefahrer », le roi des conducteurs de Fenwick. Il obtient cette promotion non seulement parce qu’il se montre excellent à la manœuvre, mais aussi parce qu’il est devenu le coiffeur attitré du patron et de ses contremaîtres… Fin juillet 1981, il est libéré de son service militaire qu’il a effectué chez les para- chutistes à Montauban. Il y a vécu son baptême de l’air. «  La première fois que j’ai pris l’avion, c’était pour sauter en parachute  !  », se souvient-il, amusé. Yannick retourne chez lui, en Alsace, avec cette fois la ferme intention de se consacrer pleinement à la coiffure. Son père aurait pu l’encourager au sein de l’entreprise familiale, mais il exprime de l’ambition pour son fils. Il l’encourage à parfaire sa formation à Strasbourg et à Paris. Cette vision, Yannick la partage avec lui. « À mon retour, mon ambition je la sens présente en moi ! », nous affirme- t-il avec fermeté. Il voit grand pour l’en- treprise dans son village ; il voit au-delà. « J’ai déjà des idées précises de ce que je veux pour le salon familial : je pense à un temple de la beauté au service du plaisir de la femme, avec un hammam, des massages, des séances de bronzage ou d’esthétique...  » En homme de conviction, son père reste ferme. Avec pragmatisme, il le convainc qu’il pourra réaliser tous ses rêves, mais une fois l’expérience ac- quise. De plus, il exprime lui-même une nouvelle vision de la coiffure ; il sait que l’avènement des franchises en France représente un tournant décisif dans le métier. C’est pourquoi il indique ce qui lui semble être une voie d’avenir à son fils. En octobre 1981, un représentant de chez L’Oréal, M. Balsamo, trouve à Yannick du travail chez Jacques Dessange à Stras- bourg en tant qu’assistant coiffeur auprès de Antoine Hubert dit Tony, star et pré- curseur de la coiffure à l’époque – « l’un des tout premiers à comprendre l’enjeu de la franchise en France ! » –, à l’occasion de l’ouverture de son deuxième salon, rue du Vieux Marché aux Vins à Strasbourg. Bon nombre de clients d’aujourd’hui se souviennent encore de Yannick, ce jeune coiffeur talentueux qui devient rapide- ment la coqueluche de ses dames. Dès ses débuts, Yannick vit une période formatrice et structurante. Tony lui donne sa chance. Lui, en retour livre un travail acharné. «  Je savais travailler, dit Yannick avec fermeté, je maîtrisais mon métier  ! Et surtout, j’aimais ce métier.  » En tant qu’assistant, il n’a pas encore de clientèle attitrée, mais il se la construit progressivement dans un salon qui comptabilisait près de deux cents