L’économie circulaire : considérations fondamentales par Jean Lamesch L économie circulaire considérations fondamentale | Page 4

Un tri plus poussé ? bonjour Pareto ! Faut-il améliorer la technologie de tri ? Certainement , et on s ’ y emploie . Elle a cependant ses limites , et n ’ atteindra jamais les 100 %. Voici pourquoi . Prenons encore une fois l ’ acier comme exemple , mais le raisonnement vaut , mutatis mutandis , pour les 78 autres métaux , et les autres matériaux . L ’ acier est recyclé sous forme de ferrailles , triées pour en éliminer alu , inox , et autres matières étrangères . S ’ y glissent cependant subrepticement des ‘ tramp-elements ’, certains métaux non-ferreux en très petites quantités , tel le cuivre et l ’ étain , souvent en provenance de carcasses de voitures . Ces éléments tramp détériorent les qualités de l ’ acier au fur et à mesure de la montée de leur concentration . Le passage en aciérie ne parvient pas à les enlever . Il faudra donc , avant la mise en fusion , un tri plus poussé , une tâche typique pour de robustes robots-trieurs . Si la situation s ’ améliore , augmentons l ’ armée robotique . Mais voilà , les robots finiront par causer leur propre part de déchets , de matériaux , de transport etc , soussystème qu ’ il faut obligatoirement ajouter au système ferrailles . A un moment donné , un tri encore plus poussé créera ses propres problèmes environnementaux au point de ne plus apporter des avantages . On aura atteint un Optimum de Pareto , effet économique bien connu qui signifie qu ’ à partir d ’ un certain niveau , on ne poussera pas le tri plus loin , sous peine de pénalités économiques et environnementales . Le tri optimal n ’ est pas maximal et ne fera donc que reporter les échéances - aux générations futures .
1.2 L ’ impossible réutilisation intégrale des objets
Si le recyclage de matériaux rencontre de telles difficultés de principe , pourquoi ne pas rester au niveau supérieur , càd ré-utiliser les objets tels quels , et éviter tout bonnement le niveau des matériaux . A nouveau , dans la logique du très long terme , la réutilisation d ’ objets devra être exactement 100 %, in aeternum , sinon il n ’ y aura que reports d ’ échéances . Cependant , notre société humaine est telle que tout ou presque s ’ oppose à ces ré-utilisations ou réaffectations . Mentionnons quelques-unes de ces entraves .
Mode , changement de gout , innovation Habillement , habitat , voitures , électronique , etc sont soumis à un changement constant . Les hommes sont ainsi faits , et les contrevenants ont la vie dure . Voici un exemple à la limite du ridicule : une personne récupère les portières et les sièges de sa vieille voiture , et pour le nouveau modèle , elle veut en acquérir un sans portières ni sièges , avec l ’ intention de réutiliser le matériel récupéré . Mission impossible , tout le design changé dans le nouveau modèle . L ’ exemple peut faire rire , mais la question est là : pouvons-nous un jour revenir aux temps de Ford , ou tous les Model-T étaient pareils et noirs , donc substituables , ou aux temps du peu regretté Mao , dont les sujets déambulaient en bleu uniforme . Ne devrions-nous pas devenir conscients que les Model-T du futur ( traduisez : e-cars identiques à perpétuité ) et les bleus de Mao ( traduisez : habillement en fibres polylactiques super-biodégradables-monochromes ) devraient devenir la norme de notre comportement ? On se rend compte , soit dit en passant , que les frontières entre l ’ écologique et le normatif sont poreuses .
La législation incitatrice à la mise à la ferraille Le législateur dans un souci de sécurité , avait jadis interdit au Luxembourg les ascenseurs existants pour les remplacer , par des engins plus sûrs . Les ‘’ unintended consequences ’ sautaient aux yeux : un gros tas de ferraille d ’ objets en parfait état de marche , pour un ‘ plus ’ marginal de sécurité . Il en va de même avec des milliers d ’ autres prescriptions .
Les freins environnementaux de la fiscalité et de la comptabilité La fiscalité punit la personne désireuse de faire durer son équipement ; idem le système de la TVA , flanqué de règles comptables d ’ un autre temps .
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