L’économie circulaire : considérations fondamentales par Jean Lamesch L économie circulaire considérations fondamentale | Page 3
Pneus / Bétons / Plastique
Faute de place, il n’est pas possible de décrire ici les problèmes du recyclage de ces trois matériaux. Ils sont
étudiés ailleurs. Bornons-nous à en donner quelques enseignements de cette étude :
Il faut éviter le piège sémantique qui consiste à appeler ‘objet recyclé un objet qui n’a été recyclé qu’une
seule fois, ou qu’un petit nombre de fois. Dans la longue durée, voir énoncé no1, c’est comme s’il n’était
pas recyclé du tout. Serons-nous capables de dire un jour: « Voici un objet en cycle no 7452, en voici un
en cycle 3456,.. » et ainsi de suite pour des millions d’objets. Si tel n’était pas le cas, la circularité aura
misérablement échoué.
Un second piège consiste à confondre la partie avec le tout (la chausse-trappe du Pars Pro Toto). Le seul
plastique qui est recyclable dans le vrai sens du terme, et cela à plusieurs cycles (du moins quand le prix
du brut rend un recyclage viable) est le PET thermoplastique. Voilà pourquoi on en parle constamment, -
tout en oubliant, ou en feignant oublier, les autres familles de plastiques, et notamment les
thermodurcissables irrecyclables.
Papier
Après ces insuffisances, mentionnons un recyclage assorti d’un effet positif, à savoir celui du papier. Cet
exemple montre également comment quantifier le recyclage. Pour comprendre les cycles limités du
papier, il faut savoir qu’après le 1 e cycle, lors de la remise en pulpe, une partie des fibres du papier cassent.
Leurs propriétés physiques en sont altérées, mais restent suffisantes pour un papier recyclé 1 e génération.
Lors d’un second recyclage, les fibres rapetissent encore une fois, et ainsi de suite ; au 6 e recyclage, elles
sont devenues si courtes qu’on n’a plus de pulpe, mais une bouillie impossible à transformer en papier.
Dans la pratique, on corrige cette dérive en ajoutant à chaque opération des fibres neuves à la masse
recyclée.
On s’accorde à dire que le papier a un bon score de recyclage : dans certains pays, il atteint 80%, la
déperdition s’élevant à 20%. Un calcul aussi simple qu’essentiel décrit quantitativement la situation. Après
le premier cycle, il reste 80% de la masse initiale, au second tour 80% x 80% = 64%, au troisième environ
50% (mais déjà dégradés) ; au dernier cycle, il ne subsiste plus que 25% de la masse de départ. La quantité
‘survivante’, exprimée en %, après n cycles se calcule, en ordre de grandeur, comme le produit 80% x 80%
x 80% … , n fois. En recyclage, la déperdition de matière se comporte comme une dépréciation financière,
et elle vaut pour tous les matériaux. On peut généraliser en passant, comme en math financières, en
fonctions continues, et on obtient l’expression exponentielle suivante :
Q(t) = Qo exp(- r t/τ) ,
où Qo est la quantité initiale, Q(t) la quantité restante après un temps t, r le taux moyen de recyclage, τ
la durée moyenne d’un cycle. Pour quantifier le recyclage, on doit connaître au minimum le taux et la
durée
de
cycle.
Venons-en au résultat positif annoncé plus haut. Avec l’hypothèse des 80% recyclés, on fait chuter les
besoins, ou flux, de papier en gros d’un facteur 4. Si donc dans tel pays, on abattait auparavant 4 millions
de ha de forêt/unité de temps, le recyclage à 80% réduira cette surface à 1 million. Si en plus ce pays se
met à pratiquer une reforestation conséquente, il lui sera possible d’atteindre un jalon écologique
important, quand le taux de reforestation égalera celui de la déforestation, c’est à dire quand grâce au
recyclage, si imparfait soit-il par ailleurs, un équilibre forestier dynamique puisse être atteint, à la Hans
Carl von Carlowitz. Malheureusement, ce raisonnement, porteur d’espoir, n’est valable que pour les
matières et êtres vivants, tel le bois, et non pour les ressources inanimées, et c’est là le fond du problème.
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