L'ÉCO, la revue de l'environnement du Saguenay Lac-saint-Jean Hiver 2018 | Page 23

Nous parlons ici des animaux, de la biodiversité de la faune. Si l’on a l’habitude de voir passer les bernaches à grands cris dès le mois d’octobre pour filer vers le Sud (surtout vers 4/5h du matin, quand on voudrait encore dormir un peu), il est d’autres animaux dont la destination hivernale est moins exotique.

Tout d’abord, parlons linguistique. Quelle est la différence entre hiverner et hiberner? Le « B ». Oui, mais encore? Si les deux mots viennent, du latin "hibernare", ils n’en ont pas moins un sens différent. En effet, le mot " hiverner" peut s’appliquer tant à certaines espèces d’animaux qu’à complètement autre chose, comme des bateaux. Il signifie « passer l’hiver à l’abri, dans un lieu quelconque », que ce soit en cale sèche pour ledit bateau, dans l’étable pour les vaches du voisin ou dans le Sud pour les bernaches.

« Hiberner » à quant à lui le sens qu’on lui connait, c’est-à-dire passer l’hiver en petite boule à dormir au fond de son terrier bien au chaud, ou comme le dit mieux l'Office québécois de la langue française : « Les animaux (qui hibernent) présentent une baisse marquée de la température corporelle et du rythme respiratoire ainsi qu’un ralentissement de leurs fonctions physiologiques. »

Revenons maintenant à la biologie de la chose. Qui hiverne? Qui hiberne? Où? Et grâce à quels mécanismes?

Commençons par les animaux à sang froid, ou poïkilotherme (à vos souhaits). Que ce soit les insectes, les reptiles, les amphibiens ou les poissons, ils dépendent de la chaleur qui les entoure pour leurs activités, ce qui a de fortes conséquences dans un environnement avec des saisons aussi marquées que le Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Pour les insectes par exemple, le froid signifie l’arrêt de toute activité musculaire. Pour éviter que ce phénomène

ne soit mortel, la plupart des insectes passe l’hiver sous

leur forme « immature » (soit oeuf, larve ou nymphe) qui est plus propice à la survie. La plupart utilise aussi le phénomène de diapause hivernale, qui est une sorte de mise en hibernation : l’activité métabolique est ralentie voire stoppée, mais sans que cela ait de conséquences sur la survie. En outre, les insectes accumulent dans leur sang, appelé hémolymphe, de petites molécules de glycérol qui leur serviront d’antigel au cours de l’hiver. Le glycérol est une sorte d’alcool qui empêche que ne gèle l'eau contenue dans l'organisme, et qu'elle produise ainsi des cristaux de glace qui déchireraient les parois cellulaires et entraineraient la mort de l’organisme. En empêchant les molécules d’eau de cristalliser à l’intérieur de leurs tissus, les arthropodes augmentent de beaucoup leur chance de survie. Ils peuvent supporter des températures aussi froides que –30 °C et parfois même moins. Certaines espèces passent l’hiver à l’état adulte comme la coccinelle à deux points, quelques papillons, certains moustiques, des punaises (ex. : Gendarmes), le Perce-oreille des jardins, le Grillon des champs, etc. D’autres effectuent aussi une migration, comme le Monarque, papillon aux couleurs chatoyantes bien connu au Québec.

Au niveau des poissons, d’autres phénomènes sont à l’œuvre. En effet, pas besoin d’essayer d’éviter le gel. Pourquoi ça? "L’eau gèle en hiver!" me direz-vous en pointant du doigt l’étang d’à côté. Oui, mais juste en surface, car pour l’eau, la densité maximum est atteinte à 3.98 degrés Celsius, ce qui amène l’eau froide à la surface en hiver et l’eau légèrement (mais vraiment très légèrement) plus chaude au fond. En revanche, ils sont tout aussi dépendants de la chaleur que les insectes, ce qui amène quand même à une sorte d’hibernation : moins de déplacements, moins d’activités, mais aussi moins besoin de manger. Ne vous affolez donc pas si la pèche ne donne pas les mêmes résultats en hiver qu'en été.

Qu’en est-il des amphibiens et des reptiles? Les reptiles utilisent de nombreux types d’abris pour l’hibernation : troncs d’arbres, végétation dense, toutes sortes de fissures et de trous dans le sol, des tas de pierres, de feuilles, de paille et de compost, des piles de bois ou encore les piles de traverses pour les chemins de fer. Ils évitent toutefois les sols humides, puisqu’il y a un risque qu’ils gèlent en profondeur. Leur métabolisme dans l’ensemble est réduit durant l’hiver, ce qui fait que les animaux sont un peu lourdauds et mous, mais en aucun cas « rigides ». Même à des températures de quelques degrés en dessus de 0 °C, les reptiles sont capables de se mouvoir dans leurs refuges et de percevoir leur environnement grâce à leurs sens. Après leur métamorphose, les amphibiens peuvent passer l’hiver soit sur la terre ferme, soit dans l’eau.

Ainsi les amphibiens aquatiques passent l’hiver dans le fond de l’eau d’un ruisseau, d’une rivière, d’un lac ou d’un marécage. L’animal hibernant doit souvent se cacher sous de la végétation immergée ou dans de la boue au fond de l’étendue d’eau. Contrairement aux tortues aquatiques qui creusent un trou profond dans la boue pour y passer l’hiver, les grenouilles aquatiques laissent une partie de leur peau exposée à l’eau afin de pouvoir continuer à respirer de l’oxygène à travers leur peau. Les amphibiens terrestres peuvent hiberner sous des rochers, des feuilles ou dans une bûche, dans les mêmes types de refuges que les reptiles, ce qui amène parfois des espèces différentes à partager ces habitats hivernaux. À mesure que la température diminue, toutes les activités cessent. Vraiment toutes. L’organisme cesse de bouger et de respirer, sa circulation sanguine s’arrête, et même le cœur ne bat plus. Durant l’hiver, de 35 à 45 % du corps d’une grenouille des bois peut geler et devenir comme de la glace. Ce phénomène peut s’accomplir en stockant du glucose dans le foie. Le glucose est libéré dans le sang pendant l’hiver, ce qui empêche le corps de geler complètement. Le glucose remplit les fonctions d’antigel pour maintenir ces petits êtres en vie, tout en les gardant complètement immobiles.

Au niveau des animaux à sang chaud (homéothermes), il leur faut s'adapter pour garder cette chaleur qu'ils ont mis tant d'énergie à créer. Chez les mammifères et les oiseaux, on retrouve souvent le même genre de mécanismes : s’isoler, réduire ses pertes de chaleur, hiberner ou déguerpir.

L’isolation (fourrure, plume, poils) : plus il y a d’air, moins il y a de conduction thermique et mieux on est isolé. Qui

n’a jamais fait l’erreur de ne porter qu’un jean par -20 et qui a ainsi brûlé ses jambes par le froid... alors qu'avec un jogging, on aurait profité d'une couche d'air qui isole? Logique! Et les humains-pas-de-poils ont tendance à vouloir s’approprier ces isolants : doudoune en duvet d’oie, toque en poils de castor, chaussures en loutre, etc. Ou sinon il y a l’isolant interne, le gras : technique utilisée par les marmottes, les baleines et les phoques qui, non seulement empêche trop d’échanges de chaleur, mais aussi sert de stockage d’énergie pour se réchauffer.

Pour réduire les pertes de chaleur, des mécanismes sont mis à l’œuvre dans les parties qui pourraient geler. Quand on voit un canard marcher sur un lac gelé, on aurait tendance à penser qu’il a froid aux pattes. Eh bien non. Ses pattes sont froides, mais ne refroidissent pas le reste de son corps grâce à un échange de chaleur au niveau du sang : le sang froid qui remonte des pattes est réchauffé par le sang chaud qui descend aux pattes :

Il y a aussi le fameux rapport surface-volume : pensez à la forme des manchots, tout ronds et dodus. En effet, moins de surface signifie moins de perte de chaleur, mais plus de volume signifie plus de possibilités de créer de la chaleur.

Pour l’hibernation, même principe que chez les animaux à sang froid : on se planque, et on attend que ça passe, tout en diminuant le plus possible l’activité interne pour économiser l’énergie. C’est ce comportement qui a donné lieu à la fameuse légende du « jour de la marmotte », qui sort enfin de son terrier pour vérifier si elle voit son ombre et déterminer l’arrivée du printemps.

Enfin, certains font comme les roulottes québécoises et filent dans le Sud pour y trouver des températures plus clémentes et des ressources alimentaires plus abondantes. Certains animaux créent ainsi des records à chaque année, comme la barge rousse : un oiseau détenteur du record du monde du plus long vol direct sans aucune halte (11 500 km en 8 jours) de l’Alaska (aire de reproduction) à la Nouvelle-Zélande (aire d’hivernage).

Bref, on a de la chance d’avoir des plinthes électriques…

Magali Perrin

CREDD

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