La Gazelle | Page 110

évasion fly away ّ ‫لنحـلــق‬ visite guidée I guided tour I ‫زيـارة برفقة دليـل‬ 3 1 2 la rocaille. Rencontre étonnante que ce jeune patriarche géologue amateur dont me sépare à peine une demi-génération et qui sans jamais avoir quitté sa région parle un français impeccable grâce à un instituteur breton posté dans ce village dans les années soixante. Le lendemain, son fils et lui me font découvrir les merveilles naturelles de la région, connue pour les gorges de Midès mais qui recèle aussi des trésors géologiques et des panoramas époustouflants sur le Chott El Jerid en contrebas. 1. Dans la région de Onk el Jmal (le cou du chameau) I In the region of Onk el Jmal (the camel’s neck) I I ‫منطقة عنــق الجمــل‬ 2. L’authentique village de Chenini à quelques kilomètres à l’ouest de Tataouine I The authentic village of Chenini, a few kilometers West from Tataouine I ‫قريـة شنني األصيلة التــــي‬ ‫تبعد بضعــة كيلومرتات غرب‬ I ‫مديــنة تطـــاوين‬ 3. les oasis de Chebika situées à l’ouest de la ville de Tozeur Chebika oasis located in the West of Tozeur I ‫واحات الشبيكة التي تقع غرب‬ I ‫مديــنة تــوزر‬ La Gazelle 58 I 112 En une centaine de kilomètres en filant vers le Nord, le paysage change. Le rocher laisse place à une terre grasse et riche, les touffes d’épineux agrippés contre le vent se transforment en oliviers puis en amandiers. Je m’approche de la table de Jugurtha, que je n’atteindrai jamais, faute d’une signalisation adéquate. Je découvre bientôt aux alentours du Kef une Tunisie insoupçonnée dont les paysages ressemblent à la Savoie ou à la Suisse. Une petite incartade vers l’ouest m’amène à deux jets de pierre de la frontière algérienne au site archéologique de Haidra. Je suis seul au monde à contempler un arc de triomphe romain quasiment intact qui domine une vallée couverte de moutons. Un vieux monsieur qui se présente comme le gardien me fait les honneurs du site et me confie que je suis le premier visiteur étranger du mois. Assis sur un mur romain je laisse mes pensées s’égarer au temps des cohortes de légionnaires dont le pas me semble encore résonner sur ces pierres séculaires. Aucun des autres sites archéologiques que je vais découvrir dans les jours prochains n’aura pour moi cette aura nostalgique d’un temps disparu dont subsistent ces témoins de pierre désespérés. Sic transit gloria mundi…(« ainsi passe la gloire de ce monde ») Ma remontée vers le Nord se termine à Tabarka, ville défigurée par les constructions sauvages que je fuis bien vite. Depuis Aïn Draham perchée dans la montagne des forêts de chênes liège tapissent les vallées de cette région verte qui domine la mer. Des troupeaux de moutons par centaines parsèment les collines et me plongent dans des images tout droit sorties de l’Ancien Testament. Me voilà au Cap Serrat, merveille d’isolement et de beauté. Je savoure sans le savoir mes derniers moments de quiétude. Vingt kilomètres plus loin, j’échoue au bord de la route, définitivement privé de transmission. Je ne suis plus qu’à 120 kilomètres de Tunis ou je comptais rentrer dans 2 ou 3 jours. Il me reste quelques jours pour prendre congé de mes amis et me préparer à quitter ce pays que je suis presque arrivé à considérer comme le mien après ces 6 semaines d’immersion. Je repars comme je suis arrivé, avec une voiture en panne au fond de la cale du Carthage, mais plus riche de souvenirs inoubliables. J’ai découvert un pays qu’on connait finalement mal, extrêmement accueillant et attachant. Malgré leurs difficultés, les tunisiens gardent le sourire et le sens de l’accueil qui resteront pour moi incarnés par Amor, Othman et leurs familles. Je reviendrai, c’est certain, mais cela est une autre histoire. I