3.5.5 L’avis d’une référente
Delphine Matos da Silva, chargée de projets à Question Santé asbl
Posons-nous tout d’abord la question : si cette jeune fille avait été mince, l’animateur aurait-il eu la
même réaction ? Nous avons (tous) tendance à jeter sur les personnes en surpoids des regards chargés
de stéréotypes. Des stéréotypes discriminants et souvent socialement admis : les « gros » sont paresseux,
sans volonté, pas beaux… A l’inverse, la minceur, devenue aujourd’hui « la norme » dans nos sociétés
occidentales est, quant à elle, associée à une série de qualités comme le courage, la volonté, la maîtrise
de soi, la performance, etc.
Toutes ces représentations contribuent dès lors à la discrimination et à l’exclusion de ceux qui ne rentrent
pas dans les critères de minceur. Ces jugements et cette stigmatisation sociale ont pour effet d’enfermer
les personnes rondes dans un cercle vicieux entrainant des conséquences néfastes sur leur santé et bienêtre. De nombreuses études ont d’ailleurs montré un lien entre le stress lié à une discrimination (quelle
qu’elle soit, d’ailleurs !) et divers troubles de santé, dont une prise de poids7. La stigmatisation liée à un
excès pondéral peut donc ainsi contribuer à une prise de poids supplémentaire ! Par exemple, manger
quand on n’a pas le moral, quand on se sent seul, quand on s’ennuie… peut être propice à développer
des phénomènes de compensation comme l’anorexie, la boulimie, l’hyperphagie. Il arrive aussi que
certaines personnes n’osent pas faire de sport par peur du regard des autres, mêmes si elles ont envie
de pratiquer certaines activités8. D’autres évitent même toute relation sociale.
Dans la situation qui nous concerne ici, il n’est pas du ressort de l’animateur de décider des quantités
de nourriture à servir ou de juger si la jeune fille a droit ou pas à une deuxième assiette. L’animateur
devrait la resservir, tout simplement. Et quand bien même la jeune fille présenterait un problème de santé
lié à son surpoids, c’est le rôle du médecin et/ou d’une personne spécialisée de la prendre en charge
et de l’accompagner. Par ailleurs, ce n’est ni le lieu (elle est en séjour à la mer, au moment du repas)
ni le moment (en public, en présence des animateurs et autres vacanciers) de refuser de resservir une
assiette sous prétexte qu’elle est en surpoids. Comme expliqué plus haut, cela reviendrait à stigmatiser
la question du poids et à renforcer la discrimination vis-à-vis de la personne.
7 D. Johnston and G. Lordan. Discrimination makes me Sick ! Establishing a relationship between
discrimination and health. School of Economics, University of Queensland, Australia
8 D. Janssens, « Stigmatisation sociale et individuelle de l’obésité », Service d’Endocrinologie Hôpital Erasme - Cliniques universitaires de Bruxelles, Power Point réalisé dans le cadre de la
séance « Pratiques et regards de société face à l’obésité » organisée par les Femmes Prévoyantes
Socialistes le 20/05/2011
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