Flashmag Digizine Edition Issue 85 September 2018 | Page 23

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Vous êtes métisse Franco Haïtienne. Nous vivons dans un monde qui hélas catégorise y compris l’humanité. Le débat avec les biraciaux c’est leur appartenance tout de go a la race dite noire, à votre avis pourquoi on continu de refuser de dire que métisse c’est blanc aussi, pas seulement noir ?

Je ne me sens curieusement pas très proche du débat sur les biraciaux. Peut-être parce que j’ai toujours bien vécu mon métissage, et que je l’ai vécu comme une richesse. Mais effectivement, c’est l’Autre qui vous renvoie votre différence, une différence dont vous n’avez pas forcément conscience de prime abord… Mais qui fait qu’aujourd’hui que, presque malgré moi, je me rapproche de groupes, mouvements, festivals panafricains où la question de mon métissage ne pose pas de problématique particulière. D’ailleurs toute cette question de la construction identitaire dans un pays, d’une société qui vous renvoie à des origines que parfois vous méconnaissez est le sujet de mon prochain film… Mais pour en revenir précisément à votre question, je crois que l’humain ne voit parfois pas plus loin que le bout de son nez. En tant que métisse, j’ai la peau marron plus ou moins foncée selon les saisons, les cheveux frisés, la cambrure et tous les attributs exotiques, fruits d’un imaginaire collectif d’un temps passé qui devrait être révolu…. Donc je suis Noire. Même dans le cinéma - et ce ne serait pas si absurde que ça prêterait à rire - sur un plateau, on me fait figurer la mère d’un enfant métisse, alors que la vraie maman du comédien en question est blanche. Il ne faudrait pas trop perturber le regard du public : une femme métisse avec un enfant blanc ? J’ironise bien sûr, mais je peux vous assurer que cette question de couleur dans la filiation d’un personnage métisse est à abordée aux castings.

Dans Sélection Naturelle vous semblez jouer à fond la carte de la destinée. Un thème très fort qui souvent revient dans l’univers social Afro, où le fatalisme est souvent accepté. Le fatalisme n’est -il pas un signe de faiblesse ? L’humilité d’accepter la fatalité est-elle une force ? Combattre ce qui semble inévitable serait de l’orgueil ? Ou alors comme les anciens disaient : lire le message de la fatalité est plus important. A votre avis, que faire face à la fatalité ?

(rires) ! La carte de la destinée ? Vous êtes sûr qu’on parle du même film ? Parce qu’alors pas du tout ! Car pour ma part je ne crois ni au destin et encore moins au fatalisme. Pour moi ces deux notions renvoient au déterminisme auquel je ne prête aucun crédit. Sans vouloir manquer de respect aux Anciens, pour moi il n’existe aucune fatalité. Nous avons tous le potentiel de choisir son avenir, d’écrire son histoire, de changer le cours des choses. Certes il peut exister des contextes socio-politico-économiques particulièrement difficiles qui rendent la tâche plus ardue, mais je crois sincèrement au potentiel de chacun pour se développer et aider au développement de son environnement. Tout dépend de la manière dont on fait face aux épreuves auxquelles nous sommes confrontés, aussi terribles soient-elles… Il n’y a aucun orgueil à combattre ce qui nous paraît juste. Rien est inévitable, sauf la mort. Tout dans la vie est impermanence…

S’il fallait dire quel est le message que vous voulez passer avec Sélection Naturelle qu’est-ce que ce serait ?

Il est très difficile de parler de ce film de 2min45 sans le spoiler. Disons que mon objectif avec Sélection Naturelle est de réveiller les esprits sur un sujet méconnu de l’Histoire. C’est une petite histoire qui fait référence à la Grande Histoire. L’idée est de créer le débat et de mettre en garde contre les dérives que notre société peut prendre, notamment la mise en danger de son humanité. Mais j’en ai déjà trop dit !

Au moment de clore cet entretien quel est l’agenda du film Sélection Naturelle ? et vous-même avez-vous un rendez-vous à donner au public pour l’un de vos projets ?

Le film Sélection Naturelle est en compétition a été projeté le 18 Août à Hollywood dans le cadre du Haitian International Film Festival puis début octobre en compétition à Paris lors du Blkréation films festival. Il a été à ce jour soumis à une dizaine de festivals à travers le monde.