Flashmag Digizine Edition Issue 114 February 2021 | Page 24

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Par conséquent, nous en sommes arrivés à la conclusion que sa mise à l’écart [removal] devait être un objectif urgent et prioritaire et que dans les conditions actuelles cela devait être une haute priorité de notre action secrète ». Le directeur autorise le chef de bureau à envisager des dépenses jusqu’à 100 000 dollars pour mener tous les programmes qui seraient nécessaires et pour lesquels il n’aurait pas la possibilité de solliciter une autorisation.

De son côté, Richard Bissell, l’un des directeurs adjoints de la CIA, demande à Bronson Tweedy, le chef de la division africaine de l’agence, d’explorer l’idée d’un assassinat de Lumumba avec le chef de station de Léopoldville. Bissell demande également à son assistant spécial pour les problèmes scientifiques, le docteur Sidney Gottlieb, de préparer le matériel biologique nécessaire pour pouvoir assassiner un leader africain non spécifié.

Alors qu’à Washington Lumumba est déjà condamné à mort, Les Belges, eux préparent leurs propres plans. Les archives restent muettes sur une action concerté entre la Belgique et les Etats-Unis. Mais il est logique de croire que les deux nations occidentales dont les espions étaient très présents sur le terrain se côtoyaient et auraient forcement du en discuter. A la même période l’arrivé de Joseph Désiré Mobutu au pouvoir avec le soutien de la CIA n’est pas anodin. C’est l’époque où naît, sur le clavier d’une machine à écrire, un document intitulé « Opération L. Suggestions ». Son auteur est inconnu, certainement un ancien de la sécurité belgo-congolaise, qui écrit depuis Bruxelles. L’auteur indique dans cette note qu’il n’a pas encore pu obtenir de plan de la maison de Lumumba, mais cite des personnes qui pourraient être engagées pour fournir des renseignements ou participer à l’action.

Il suggère aussi de quelle manière l’opération pourrait se dérouler : s’appuyer sur « le goût de l’intéressé pour les femmes », mais aussi « envisager le contact avec ses adversaires politiques » et exploiter le fait qu’un certain nombre de collaborateurs européens de l’intéressé « se sentent maintenant engagés au-delà de ce qu’ils auraient souhaité ». La note propose enfin qu’on procède par substitution de médicament, ce qui en dit long sur la finalité de ce projet.

Autre projet : fin-août début-septembre, un ancien de la Force publique de retour à Bruxelles, le colonel Dedeken reçoit du général Charles Paul de Cumont, le chef d’état-major de l’armée belge, l’ordre de « kidnapper Lumumba et de l’amener à Brazzaville ». Dedeken doit contacter le consul général Dupret à Brazzaville, mais également s’entretenir avec un agent du SDECE (les services français) placé dans l’entourage du président Youlou du Congo-Brazzaville, Antoine Hazoumé (qu’il présente de manière surprenante comme le « Premier ministre »). Hazoumé, lui, assure le soutien de Youlou en matière de transport fluvial, de logement éventuel pour ses hommes, d’armement, de cachettes…

Dans un témoignage écrit qu’il a laissé, Dedeken explique qu’il part à Élisabethville former son équipe. « Les candidats, écrit-il, sont triés sur le volet et commencent leur entraînement de commando dans les bois environnants. » Mais trois semaines plus tard, alors que Dedeken revient à Brazzaville, il se rend compte que l’opération a beaucoup fait parler d’elle. On associe même son nom à une opération de liquidation de Lumumba, appelée Barracuda. En pleine confusion sur son rôle et sa mission, Dedeken rentre à Élisabethville, où il reçoit du baron Rothschild, le chef de la mission technique belge, l’ordre de ne plus s’occuper de l’opération Barracuda… et de se redéployer vers le Sud-Kasaï, sans doute pour laisser le champ libre à « la vraie opération ».

A Léopoldville, le Premier ministre du Congo vit cloîtré. Privé de téléphone, il est assigné à résidence. Un premier cercle de casques bleus ghanéens le protège; un second cercle de soldats congolais le surveille. Le 27 novembre 1960, ce « prisonnier » se fait la belle : personne n’inspecte la Chevrolet dans laquelle ont pris place les domestiques à la fin de leur service.

Lumumba quitte la capitale. Direction : Stanleyville (Kisangani), son fief politique. Il espère y retrouver des troupes et des nationalistes qui lui sont restés fidèles.

Cette chasse à l’homme fera l’objet d’une cascade de courts télégrammes « très urgents » et « confidentiels ». L’ambassade de France cherche à tenir le Quai d’Orsay informé des tout derniers développements.

Un de ces télex, daté du 2 décembre 1960, rapporte que Lumumba a été arrêté par les soldats du colonel Mobutu à Port-Francqui (aujourd’hui Ilebo) sur la rivière Kasaï. Des casques bleus ghanéens cernent la maison où il est enfermé mais se retirent lorsqu’ils en reçoivent l’ordre.

« Transporté par avion à Léopoldville, monsieur Lumumba a été transféré dès son arrivée au camp de para-commandos du colonel Mobutu, signale l’ambassadeur Pierre-Albert Charpentier.

Bill Akwa Betote

Sandrine Plante

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