Flashmag Digizine Edition Issue 114 February 2021 | Page 22

lors de la cérémonie d’indépendance et prononce le discours historique qui va fâcher le roi Baudouin, il est donc déjà perçu par les Belges comme un dirigeant politique gênant.

Moins d’une semaine après l’indépendance, le 5 juillet, les soldats africains de la Force publique se mutinent à Thysville, l’actuelle Mbanza Ngungu, et Léopoldville, l'actuelle Kinshasa. La panique gagne la communauté blanche qui commence à fuir le pays. Des ressortissants belges sont victimes d’exactions. Et le 10, les autorités bruxelloises déclenchent une intervention militaire. Le 11, le Katanga proclame son indépendance.

Le 14, le Congo rompt ses relations diplomatiques avec la Belgique. Kasa-Vubu et Lumumba envoient un télégramme au dirigeant soviétique, Khrouchtchev dans lequel ils indiquent : « Devant la menace pour la neutralité de la République du Congo venant de la Belgique et de certains pays occidentaux qui soutiennent le complot de la Belgique contre notre indépendance, nous vous prions de suivre constamment le développement de la situation au Congo. Il est possible que nous soyons contraints de demander l'intervention de l'Union soviétique si le camp occidental ne met pas une fin à l'agression contre la souveraineté de la République du Congo ».

Ce même 14 juillet, d’Aspremont Lynden rédige une note pour le Premier ministre belge, dans laquelle il réaffirme la thèse d’un Lumumba pro-soviétique : « Lumumba personnellement n’est que l’agent d’exécution d’un gigantesque complot manigancé par l’Est ; il faut que la solidarité occidentale joue au maximum dans ce domaine. Les USA doivent être avertis, mais ne doivent pas, me semble-t-il, intervenir directement dans le jeu »

Les Américains ? Ils suivent d’ores et déjà ce qui se passe au Congo. Selon les historiens belges et américain Emmanuel Gerard et Bruce Kuklick, trois voix anticommunistes vont peser dans l’orientation de la politique américaine vis-à-vis du Congo : Allen Dulles, le chef de la CIA ; l’ambassadeur William Burden en Belgique et le chef de poste de la CIA tout récemment installé à Léopoldville, Larry Devlin. Les deux historiens parlent de trois hommes « intrigants, mais mal informés ».

« Ces fonctionnaires se disaient à eux-mêmes et aux autres que Lumumba allait conduire l’Afrique au communisme et qu’il fallait qu’ils le fassent dérailler ». Le 15 juillet, devant le Conseil de sécurité nationale (NSC), Dulles décrit ainsi Lumumba comme un personnage « particulièrement anti-occidental ». Moins d’une semaine plus tard, il soutient devant le même Conseil que les États-Unis font face au Congo à une situation « similaire à celle de Castro ou pire ». Le 19 juillet, c’est l’ambassadeur Burden qui conseille au département d’État de « détruire » le gouvernement Lumumba et d’encourager un Congo confédéral.

Pour Gerard et Kuklick, ces trois hommes plaquent sur le Congo un scénario observé ailleurs, celui « du chaos au communisme », une théorie décrivant la manière dont l’URSS manipule des personnalités et des situations instables pour réussir à provoquer la révolution.

La mentalité coloniale est ici flagrante, car tous les occidentaux qui ont joué un rôle dans ce drame, estiment que les politiciens congolais ne peuvent pas avoir une politique définie pour l’interet propre de leur pays, mais uniquement pour servir l’un ou l’autre maître.

La configuration politique se dégrade à nouveau à la mi-août. Le Premier ministre congolais Lumumba alors partisan d’un Congo unis est furieux par le voyage du secrétaire général de l’ONU, Dag Hammarskjöld, chez les sécessionnistes katangais à Élisabethville. Le gouvernement et le peuple du Congo, indique-t-il le 15 août, « ont perdu leur confiance au secrétaire général des Nations unies ». Cette remise en cause des Nations unies inquiète Washington, qui soutenait la sécession du Congo. (NDLR Il fallait bien s’assurer qu’une partie du vaste territoire congolais soit sur son contrôle au cas où). A Washington on pense qu’un retrait de l’ONU du Congo ouvrirait la voie à un large déploiement soviétique.

Le soir du 16 août, l’ambassadeur américain aux Nations unies, Henry Cabot Lodge informe le département d’État que, selon le secrétaire général de l’ONU, « l’effort des Nations unies ne pourra pas continuer tant que Lumumba sera en poste. Un des deux devrait partir [would have to go]. » en fait Lumumba avec ses idées d’unité du Congo gênait l’idée de sécession et confédération du Congo soutenu par les américains.

Écarter Lumumba ? L’idée n’est pas neuve, mais va cette fois-ci prendre corps au sein de l’appareil d’État américain. Le 17, l’ambassadeur des États-Unis au Congo Clare Timberlake recommande au département d’État qu’on encourage les opposants à Lumumba, qu’ils lui fassent quitter le pouvoir le plus rapidement possible. Larry Devlin, lui, propose une opération dont l’objectif serait de remplacer Lumumba par un groupe pro-occidental.

Le 18 août, le Conseil de sécurité nationale des États-Unis se réunit à nouveau.

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Photo Christa Evenell

Make Up: Felix Muller