Flashmag Digizine Edition Issue 102 February 2020 | Page 22

Vous êtes d’origine Guinéenne, (Guinée Conakry). À votre avis comment votre origine influence votre carrière ? Y a-t-il quelque chose de spécial que les photographes aiment lorsqu’ils vous choisissent pour des campagnes?

Rama Barry : C’est très intéressant car je suis née dans une famille dont les membres ont majoritairement la peau claire et des traits fins. Lorsque j’étais toute petite, je me sentais différente car je suis foncée de peau. Mais ça a été un gros avantage dans la mode, car cela a permis de me différencier sans tomber dans le piège de la promotion du colorisme, qui est d’ailleurs un véritable fléau actuellement.

Techniquement parlant, le fait d’avoir ces traits du visage permet par exemple aux maquilleuses d’être particulièrement libres dans leurs créativités et ma couleur de peau me permet de bien prendre la lumière.

Vous êtes la continuité de la tradition des beautés noires, qui a commencé avec des pionnières comme Mounia, Ayoko, Katoucha, Grace Jones, Iman, ou Naomi Campbell.

A votre avis l’image de la femme noire en général a-t-elle évoluée de la femme noire exotique des années 60 à la femme noire moderne sophistiquée du 21e siècle?

Rama Barry : L’image de la femme noire a heureusement évolué, et lorsque je m’attarde sur notre histoire, mon but est surtout de la comprendre objectivement. En effet, cela peut de prime abord paraître choquant de constater que des mannequins aient pu participer à la promotion d’une image néfaste. Mais à leur décharge, je conçois que le narratif de la conscientisation vis-à-vis de l’image de la femme noire ne fut pas aussi démocratisée qu’aujourd’hui.

Actuellement, je suis vraiment fière de notre image et des modèles qui sont généralement mis en avant dans les médias. Et pour apporter un propos positif malgré la première partie de ma réponse, je m’inspire beaucoup au quotidien de ces modèles de femmes noires, et la génération qui me succède possède selon moi une belle base pour s’épanouir pleinement.

Sentez-vous une certaine pression pour continuer cet héritage des pionnières ?

Rama Barry : Depuis quelques temps, j’ai changé d’opinion, car j’étais plutôt d’avis de défendre le camp de la liberté totale ! Néanmoins, lorsque l’on s’expose publiquement, et qu’il s’avère même qu’une seule personne vous considère comme un « rôle model » : il y a un devoir de responsabilité… point !

Dans mon cas personnel, je suis loin d’être parfaite et je comprends aisément que certaines personnes puissent émettre certaines critiques notamment par rapport au fait que je ne sois pas « naturelle ».

Donc, bien qu’il y ait une mince différence entre la liberté de disposer de son corps, et la promotion en tant que telle, il y a tout de même une certaine pression à ne pas transmettre un message qui serait malsain aux personnes qui me suivent assidûment.

Un style qui rend toujours frileuses les modèles c’est celui du nu. Pour vous qu’est-ce que c’est, de l’érotisme ou de l’art ? Est-ce que faire du nu est une forme d’assertion de la féminité ?

Rama Barry : Que ce soit clair, je ne pense pas du tout que le nu en tant que tel est une forme d’asservissement de la femme ! Et c’est un point de vue qui pourrait surprendre car je n’en publie jamais sur mes réseaux sociaux bien qu’il m’arrive parfois d’accepter ce type de contrats.

Je crains de vivre dans une époque où le nu est encore associé contre son gré, à l’appel au sexe. Et de ce fait, je ne souhaite pas tellement le promouvoir car il subsiste trop de dérives de la part de certains photographes amateurs.

Pour la petite anecdote, certains d'entre eux m’ont affirmé lorsque je débutais que je ne pourrai jamais réussir dans ce milieu sans “nu”. Et naïvement, je l’ai rapidement associé à “il faut coucher pour réussir” : cela m’a complètement traumatisée.

En tout état de cause, je m’attellerai toujours à promouvoir une image purement esthétique de la femme que ce soit nue ou bien plus vêtue.

Vous êtes une égérie qui est passée sous les flashs de plusieurs photographes, s’il fallait dire un mot sur ce qui vous plairait chez un photographe pendant une campagne de shooting et ce qui ne vous plairait pas ; qu’est-ce que cela serait ?

Vous est-il déjà arrivé de refuser de poser ?

Rama Barry : Pour ma part, j’apporte surtout un soutien particulier aux projets qui tiennent à cœur les organisateurs de séances photos. Je me sens plus impliquée et d'ailleurs, c'est toujours intéressant de constater par la suite l’évolution de

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