FdT | Page 14

En couverture Furla
Il n ' y a pas de sots métiers ...
Wicem Dakhlaoui
- Salut , ça fait un bail ! Qu ' est-ce que tu deviens ? Et le boulot ça va ? T ' es toujours dans la même boîte ? Je t ' avais laissée sur le point de quitter ... - Salut , ça va . Oui , j ' en ai eu vraiment marre et j ' ai totalement changé de créneau . Je suis dans l ' hygiène maintenant . - Ah bon ? - Ben oui , j ' ai trouvé un super job de harza . L ' ambiance est sympa . C ' est vraiment très animé , bruyant certes , mais on s ' y fait . Bon , mis à part l ' humidité et la chaleur dans laquelle tu passes tes journées à décrasser des nanas à poil , pas toujours commodes et souvent prêtes à te voler dans les plumes pour des histoires de seaux , d ' eau chaude ou de " maksoura ", ça se passe bien et les pourboires sont pas mal intéressants .
Ou bien
- Ben oui , j ' ai trouvé un super job de ghasselet mouta . C ' est peinard , les clients sont dociles , pas bavards et te fichent la paix . Evidemment , tu ne te marres pas trop , c ' est plutôt sérieux mais au moins tu fais ton boulot et tu te casses . Pas d ' heures sup . Et puis surtout , les familles éplorées sont souvent très généreuses .
Faut pas rêver , ces dialogues entres copines , vous n ' aurez jamais l ' occasion de les entendre !
S ' il est de bon ton de dire qu ' il n ' y a pas de honte à exercer n ' importe quel métier pourvu que l ' on gagne honnêtement sa vie , la réalité est tout autre . Eboueur , balayeur , harza , ghasselet mouta , femme de ménage ou plutôt boniche , agent d ' assainissement ou " khnedki " et j ' en passe , ces " sales métiers ", même lorsqu ' ils sont exercés en toute âme et conscience , seront toujours considérés comme des sous-métiers et beaucoup d ' eau devra encore couler sous les ponts avant qu ' une médaille du mérite ne puisse un jour être attribuée à ceux qui les exercent . Faut croire que la société souffre d ' une myopie sévère qui floute le caractère d ' utilité publique que revêtent la plupart de ces professions . Elles font indiscutablement partie de notre quotidien , mais côtoyer la saleté , même pour servir son prochain , reste méprisable et constitue un sérieux handicap pour gravir les échelons de la dignité .
En attendant qu ' Afflelou nous offre la paire de lunettes socio-révolutionnaire , on peut toujours continuer d ’ affirmer : Il n ' y a que de sottes gens !
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