FdT Mai | Page 47

Ton parcours? J’ai commencé la photo en 2005 en tant qu’amateur. A l’époque, et en parallèle à mes études, je travaillais comme webdesigner/graphiste en freelance et j’utilisais mes propres photos pour mes créations. Mais avec le temps, je sentais que j’étais plus proche de la photo que du webdesign. Du coup, j’ai laissé tomber cela et je me suis consacré complètement à la photographie. Mes débuts dans ce domaine en tant que professionnel étaient très encourageants. J’ai commencé par collaborer avec SOS Animaux pour une campagne de sensibilisation qui a été suivie par une exposition/ vente au profit de l’association. Ensuite, j’ai été approché par Olfa Feki en mars 2010 pour participer à une exposition collective intitulée «Le Printemps en Musique» à la galerie le Cap où j’ai vendu presque toutes mes photos. C’était pour moi un réconfort et une fixation. Depuis, j’ai enchaîné avec plusieurs expositions en Tunisie et dans le reste du monde (États-Unis, Brésil, Mali, Slovénie, Allemagne, France, Suisse, Espagne…) Comment est venue l’idée de la Maison de l’image? La Maison de l’image est le fruit de ma rencontre avec l’architecte Olfa Feki, la cofondatrice. A l’époque, on a commencé à organiser à travers la plateforme Shutter Party des sorties photo et des concours pour apporter un peu d’animation à la scène culturelle. Depuis, notre activité a évolué avec le lancement du site web qui regroupe plusieurs rubriques allant de l’actualité en passant par des interviews et des reportages autour de la photo. En février 2012, nous avons décidé de faire évoluer l’activité de la plateforme sous forme associative. En effet, malgré le fait que l’association Shutter Party se soit imposée comme référence sur la scène culturelle, nous étions conscients que cet espace virtuel n’était pas suffisant et qu’il fallait mettre en place un lieu «physique» dédié à l’image et dont la vocation serait de mettre en valeur et de soutenir la création photographique à travers une démarche de formation, de communication et d’échanges artistiques et professionnels. Lorsque nous avons démarré le chantier de la Maison de l’image en 2012, nous savions que nous nous embarquions dans quelque chose d’extraordinaire. Comme beaucoup de projets, le nôtre présentait un certain nombre de défis que nous devions relever pour aller de l’avant, surtout dans ce contexte politique et social très particulier. Aujourd’hui, malgré les difficultés, nous sommes heureux de dire que la Maison de l’image existe, qu’elle est un projet culturel avec une équipe 100% tunisienne dont la moyenne d’âge est de 26 ans et qu’elle a un financement propre à 100%. D’ailleurs, nous profitons de cette interview pour attirer l’attention de l’Etat, du ministère de la Culture et des bailleurs de fonds pour soutenir davantage les centres culturels privés. Sur le plan des activités, nous avons jusqu’à ce jour organisé plusieurs expositions et présentations aux Rencontres d’Arles, à la Villa Méditerranée, à l’Institut du Monde arabe, à la Biennale de Dakar, à la Fondation de la Maison de Tunisie et au Palais Kheireddine. Nous avons aussi à notre compte plusieurs collaborations avec le MuCEM, le World Press Photo, Magnum, Noor, Afrique In Visu, le Goethe Institut, l’Institut français, l’Ambassade d’Allemagne et la GIZ. Le fait de travailler en couple pose-t-il un problème au quotidien? Toujours! Pour la simple raison qu’Olfa et moi avons tous les deux un caractère assez trempé et chacun de nous a des ambitions et essaye d’imposer sa vision à l’autre. Parfois, cela dégénère mais avec le temps, on apprend à gérer. On finit par devenir schizophrène (rires) car on doit gérer à la fois la relation de couple et la relation de travail. Te regardes-tu souvent dans le miroir? Narcisse, cela te parle? En fait, je ne me regarde pas beaucoup dans le miroir, j’essaye de me regarder à travers ce que je fais. Maintenant, il est vrai que je suis un peu narcissique mais paradoxalement, cela ne me donne pas envie de me regarder, je sais que je fais du bon boulot, on me le dit souvent, donc à force de l’entendre, on attrape un peu la grosse tête mais franchement, elle n’est pas aussi «grosse» qu’on pourrait le penser. Je veux que les gens m’apprécient à travers mon travail. Ferais-tu des photos de mariage? tographes, ce sont toujours les premières parce qu’on n’est pas encore techniquement au point et on démarre souvent avec un matériel qui n’est pas très performant. Ta meilleure photo? Honnêtement, je n’ai pas de côté sentimental par rapport à la photo et j’estime que j’ai toujours à apprendre. Il y a des sujets que j’ai beaucoup appréciés. Ce sont des photos que j’ai faites avec Joseph Koudelka, un des photographes les plus renommés au monde qui fait partie de l’agence Magnum. C’est une idole pour moi et quand il est venu en Tunisie, j’ai eu la chance de le prendre en photo pendant qu’il faisait son travail et j’ai appris que j’ai été le seul à avoir été autorisé à faire cela. A l’époque, il travaillait sur les sites archéologiques et pendant un mois, je l’ai suivi dans son parcours comme «photographe de plateau».  Oui, bien sûr! Et je commence depuis quelque temps à y réfléchir, mais il faudrait que les mariés et leur famille ne me posent pas de contraintes. Cet univers du mariage, les cérémonies, etc., c’est un très beau sujet pour un photographe-documentaire. Je ne ferais pas de photos comme on en fait habituellement. As-tu le projet d’éditer un livre? Y a-t-il quelqu’un que tu rêverais de prendre en photo? Si tu n’étais pas photographe, quel métier aurais-tu aimé faire? La prochaine personne que je prendrai en photo (rires). Je ne suis pas passionné par les gens. Je m’intéresse à leur histoire, à leur vécu mais je ne suis pas tenté de les prendre en photo. J’ai développé à un moment une série «Au fil des rencontres» où j’ai pris sur le vif des photos de personnes célèbres que j’ai eu l’occasion de rencontrer mais ce n’est qu’à la fin, une fois que j’ai bien pris le temps de les connaître, que je fais leur portrait. Ta pire photo? Il y en a beaucoup. Généralement pour les pho- C’est mon rêve! J’estime qu’un photographe qui n’a pas publié au moins un livre durant sa carrière n’a rien fait. Ce n’est que de cette manière qu’on laisse des traces durables de son travail. Le livre demeurera toujours précieux même s’il perd de sa valeur de nos jours. J’aurais ouvert une agence de marketing pour les agriculteurs afin de mettre en valeur leurs produits. Mon père et mon grand-père étaient agriculteurs mais je n’ai jamais souhaité prendre la relève. Mon rêve était aussi d’avoir un zoo. J’adore les animaux. Ta devise? Ma devise en Tunisie: vivons cachés, vivons heureux. Ma devise en général: le travail est ma religion. Propos recueillis par Wicem Dakhlaoui 49