Ton parcours?
J’ai commencé la photo en 2005 en tant qu’amateur. A l’époque, et en parallèle à mes études, je
travaillais comme webdesigner/graphiste en freelance et j’utilisais mes propres photos pour mes
créations. Mais avec le temps, je sentais que j’étais
plus proche de la photo que du webdesign. Du
coup, j’ai laissé tomber cela et je me suis consacré
complètement à la photographie. Mes débuts
dans ce domaine en tant que professionnel étaient
très encourageants. J’ai commencé par collaborer
avec SOS Animaux pour une campagne de sensibilisation qui a été suivie par une exposition/
vente au profit de l’association. Ensuite, j’ai été
approché par Olfa Feki en mars 2010 pour participer à une exposition collective intitulée «Le
Printemps en Musique» à la galerie le Cap où j’ai
vendu presque toutes mes photos. C’était pour
moi un réconfort et une fixation. Depuis, j’ai
enchaîné avec plusieurs expositions en Tunisie et
dans le reste du monde (États-Unis, Brésil, Mali,
Slovénie, Allemagne, France, Suisse, Espagne…)
Comment est venue l’idée de la
Maison de l’image?
La Maison de l’image est le fruit de ma rencontre
avec l’architecte Olfa Feki, la cofondatrice. A
l’époque, on a commencé à organiser à travers la
plateforme Shutter Party des sorties photo et des
concours pour apporter un peu d’animation à la
scène culturelle. Depuis, notre activité a évolué
avec le lancement du site web qui regroupe plusieurs rubriques allant de l’actualité en passant
par des interviews et des reportages autour de la
photo. En février 2012, nous avons décidé de faire
évoluer l’activité de la plateforme sous forme associative. En effet, malgré le fait que l’association
Shutter Party se soit imposée comme référence
sur la scène culturelle, nous étions conscients
que cet espace virtuel n’était pas suffisant et qu’il
fallait mettre en place un lieu «physique» dédié
à l’image et dont la vocation serait de mettre en
valeur et de soutenir la création photographique à
travers une démarche de formation, de communication et d’échanges artistiques et professionnels.
Lorsque nous avons démarré le chantier de la
Maison de l’image en 2012, nous savions que
nous nous embarquions dans quelque chose d’extraordinaire.
Comme beaucoup de projets, le nôtre présentait
un certain nombre de défis que nous devions relever pour aller de l’avant, surtout dans ce contexte
politique et social très particulier.
Aujourd’hui, malgré les difficultés, nous sommes
heureux de dire que la Maison de l’image existe,
qu’elle est un projet culturel avec une équipe
100% tunisienne dont la moyenne d’âge est de
26 ans et qu’elle a un financement propre à 100%.
D’ailleurs, nous profitons de cette interview pour
attirer l’attention de l’Etat, du ministère de la
Culture et des bailleurs de fonds pour soutenir
davantage les centres culturels privés.
Sur le plan des activités, nous avons jusqu’à ce
jour organisé plusieurs expositions et présentations aux Rencontres d’Arles, à la Villa Méditerranée, à l’Institut du Monde arabe, à la Biennale
de Dakar, à la Fondation de la Maison de Tunisie
et au Palais Kheireddine. Nous avons aussi à notre
compte plusieurs collaborations avec le MuCEM,
le World Press Photo, Magnum, Noor, Afrique In
Visu, le Goethe Institut, l’Institut français, l’Ambassade d’Allemagne et la GIZ.
Le fait de travailler en couple
pose-t-il un problème au
quotidien?
Toujours! Pour la simple raison qu’Olfa et moi
avons tous les deux un caractère assez trempé et
chacun de nous a des ambitions et essaye d’imposer sa vision à l’autre. Parfois, cela dégénère mais
avec le temps, on apprend à gérer. On finit par
devenir schizophrène (rires) car on doit gérer à la
fois la relation de couple et la relation de travail.
Te regardes-tu souvent dans le
miroir? Narcisse, cela te parle?
En fait, je ne me regarde pas beaucoup dans le
miroir, j’essaye de me regarder à travers ce que je
fais. Maintenant, il est vrai que je suis un peu narcissique mais paradoxalement, cela ne me donne
pas envie de me regarder, je sais que je fais du
bon boulot, on me le dit souvent, donc à force de
l’entendre, on attrape un peu la grosse tête mais
franchement, elle n’est pas aussi «grosse» qu’on
pourrait le penser. Je veux que les gens m’apprécient à travers mon travail.
Ferais-tu des photos de
mariage?
tographes, ce sont toujours les premières parce
qu’on n’est pas encore techniquement au point et
on démarre souvent avec un matériel qui n’est pas
très performant.
Ta meilleure photo?
Honnêtement, je n’ai pas de côté sentimental par
rapport à la photo et j’estime que j’ai toujours
à apprendre. Il y a des sujets que j’ai beaucoup
appréciés. Ce sont des photos que j’ai faites avec
Joseph Koudelka, un des photographes les plus
renommés au monde qui fait partie de l’agence
Magnum. C’est une idole pour moi et quand il
est venu en Tunisie, j’ai eu la chance de le prendre
en photo pendant qu’il faisait son travail et j’ai
appris que j’ai été le seul à avoir été autorisé à faire
cela. A l’époque, il travaillait sur les sites archéologiques et pendant un mois, je l’ai suivi dans son
parcours comme «photographe de plateau».
Oui, bien sûr! Et je commence depuis quelque
temps à y réfléchir, mais il faudrait que les mariés
et leur famille ne me posent pas de contraintes.
Cet univers du mariage, les cérémonies, etc., c’est
un très beau sujet pour un photographe-documentaire. Je ne ferais pas de photos comme on en
fait habituellement.
As-tu le projet d’éditer un livre?
Y a-t-il quelqu’un que tu
rêverais de prendre en photo?
Si tu n’étais pas photographe,
quel métier aurais-tu aimé faire?
La prochaine personne que je prendrai en photo
(rires). Je ne suis pas passionné par les gens. Je
m’intéresse à leur histoire, à leur vécu mais je
ne suis pas tenté de les prendre en photo. J’ai
développé à un moment une série «Au fil des
rencontres» où j’ai pris sur le vif des photos de
personnes célèbres que j’ai eu l’occasion de rencontrer mais ce n’est qu’à la fin, une fois que j’ai
bien pris le temps de les connaître, que je fais leur
portrait.
Ta pire photo?
Il y en a beaucoup. Généralement pour les pho-
C’est mon rêve! J’estime qu’un photographe qui
n’a pas publié au moins un livre durant sa carrière
n’a rien fait. Ce n’est que de cette manière qu’on
laisse des traces durables de son travail. Le livre
demeurera toujours précieux même s’il perd de sa
valeur de nos jours.
J’aurais ouvert une agence de marketing pour les
agriculteurs afin de mettre en valeur leurs produits. Mon père et mon grand-père étaient agriculteurs mais je n’ai jamais souhaité prendre la relève. Mon rêve était aussi d’avoir un zoo. J’adore
les animaux.
Ta devise?
Ma devise en Tunisie: vivons cachés, vivons heureux. Ma devise en général: le travail est ma religion.
Propos recueillis par Wicem Dakhlaoui
49