FdT Mai | Page 40

Dossier mariés jouent un peu à la roulette russe en organisant respectivement des veillées précédant le jour J, au cours desquelles se manifestent de généreux donateurs arborant des liasses de billets. Un genre de cagnotte qui aide à régler les factures pendantes et à affronter les dépenses à venir. Les dons sont nominaux et publics. Un spectacle impressionnant accompagné de clameurs et de youyous. Cette parade, bien que vulgaire en apparence, n’est pas fortuite. Elle est même vitale pour les familles des mariés. Et ce n’est pas de l’aumône, car ces dons sont en réalité «des prêts à long terme». Ainsi, ce système permet également aux généreux donateurs de faire face à leur tour aux célébrations de leur progéniture, un de ces quatre. Issue du quartier populaire du 5-Décembre au Kram, Fathia, 60 ans, a marié son fils l’année dernière. Elle nous a confié les bonnes techniques dont elle a usé pour que son enfant chéri ne manque de rien. Un, on n’improvise pas. Elle a commencé par aider son fils à faire bâtir une maisonnette au-dessus de la sienne. Pendant plus de deux ans, elle l’a aidé à la meubler. Étant formellement contre le fait de s’endetter, elle préférait de loin épargner petit à petit et aller acheter au comptant une chose à la fois: salon, bancs, tables, frigo… Au bout de quelque temps, chaque chose a pris sa place. Pour la «henna», elle a fait faire un grand dîner par un cuisinier professionnel. Elle a fait pour plus de 2.500 dinars de courses entre viandes et garnitures et a ramené une troupe de mezwed et un chanteur. Avec le consentement général et comme le veut l’usage, elle a loué et installé un chapiteau dans la rue, des chaises et des tables, et c’est parti pour la nuit. La tradition fait que durant cette soirée, les invités du marié se bousculent pour se mettre du henné au doigt et alimenter la cagnotte au gré de sa poche. Un proche de la famille, cadastre sur les genoux, se porte garant de noter chaque mise devant le nom approprié. Fathia précise que le pactole (plus de 2.500 dinars) est une dette qu’elle devra restituer, le jour venu, aux familles des donateurs, lors d’un mariage. La somme lui a permis tout de même de faire face aux dépenses, de régler quelques factures et de payer un bon voyage de noces aux jeunes 42 marié s. Quant à l’offrande destinée à la famille de la mariée, il y avait de tout: un mouton, des fruits et légumes, des couffins pleins d’aliments et de condiments, des paniers de cadeaux, dragées, parfums, robes, bijoux…. Et si on ne veut pas se ruiner? Peut-on se marier et vivre heureux sans ruiner toute la smala? Forcément, oui! A condition, bien sûr, d’avoir une famille et belle-famille «cool», ou disposées à l’être. Sophia, 29 ans, s’est évertuée à casser les règles. Vivant en concubinage avec son conjoint depuis 2 ans, ils ont décidé, du jour au lendemain, de se marier. Ils ont annoncé la nouvelle aux familles, quelques résistances mais pas de vraies oppositions. Ils ont fixé la date. Ils avaient 6 semaines pour tout préparer, pas de fortune sous le matelas et aucune perspective de crédit. Sophia nous a confié comment elle a dû faire appel à son imagination et à sa créativité pour épouser l’homme qu’elle aimait sans y laisser la peau. La bousculade commence souvent par «Et où est-ce que vous allez habiter? Et les meubles? Et les tapis? Et le frigo?… », comme si on ne vivait pas vraiment avant de se marier. «Mais il faut du neuf !» Elle a rétorqué que ce serait comme neuf ! Après une large opération de ratissage des brocantes et marchés aux puces, elle a tout fait retaper, tapisser, astiquer. On n’y a vu que du feu. Et le beau couple a eu une belle maison avec tout ce qu’il fallait. Pour la cérémonie, il était bien entendu qu’il y aurait un mariage, point barre. Il fallait donc faire une liste des besoins et trouver une alternative économiquement accommodante à chaque besoin. Sophia nous en a fait cadeau, la ponctuant d’astuces et de pièges à éviter: - Quitte à signer le contrat, un notaire à la maison est toujours moins coûteux et plus chaleureux que se confronter à la bureaucratie des patriarches municipaux. - Se marier hors saison, c’est l’idéal pour avoir des tarifs préférentiels. - Opter pour une réception dans le jardin d’un membre de la famille, cela peut épargner