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La malbouffe, un problème de pauvreté… Selon les statistiques officielles, un Tunisien dépenserait en moyenne 364 dinars par an pour son alimentation. Des dépenses qui varient, évidemment, selon les régions et les catégories socioprofessionnelles, pour dépasser parfois les 3.500 dinars par an. Pour Latifa Belletaifa, nutritionniste, cette différence de revenus joue sur la qualité de l’alimentation mais aussi sur la santé… «L’équilibre alimentaire n’est généralement pas maintenu pour un consommateur de la classe moyenne. C’est une question d’équilibre à respecter entre les apports et les dépenses en énergie, selon les besoins de l’individu.» Pour Lotfi Khayat, président du bureau régional de l’Organisation de la défense du consommateur, «le marché tunisien souffre encore du problème de catégorisation. En effet, dans d’autres pays, tout le monde peut manger selon son niveau de vie. En revanche, les Tunisiens mangent aux prix les plus chers, toutes catégories de produits confondues.» Et pour ceux qui veulent faire des économies, la qualité n’est que rarement au rendez-vous. Désormais, chez les commerçants, un nouveau terme circule: «esskata», utilisé pour parler de la viande de mauvaise qualité. Un commerçant nous explique anonymement que «beaucoup de restaurateurs signent des pactes avec des bouchers pour acheter de la viande esskata à bon marché, puis la revendre à un prix convenable au client. Le pire, c’est que le client est conscient de ce qu’on lui met dans l’assiette, mais il l’accepte quand même, faute d’argent. Il y a même des gens qui achètent esskata pour nourrir leur famille.» ...mais aussi de culture! La malbouffe serait donc liée aux revenus. Mais pas seulement… Pour Latifa Belletaifa, il s’agit également d’un problème culturel. «Aujourd’hui, il y a une prise de conscience collective de l’importance de contrôler le contenu de son assiette pour avoir une bonne santé. Les Tunisiens doivent apprendre à la nouvelle génération à manger sain. Malheureusement, dans de nombreux restaurants et fast-foods, on ne propose que des fritures. Il n’y a pas de restaurants à prix abordables où le citoyen moyen peut se faire plaisir en mangeant des crudités ou du poisson grillé.» La solution? Le retour aux valeurs de l’alimentation Et pour lutter une bonne fois pour toutes contre la malbouffe, la nutritionniste Latifa Belletaifa a une idée: «La réponse tient en un mot d’ordre, celui du retour à la gastronomie traditionnelle. Produits méditerranéens de saison, mode de cuisson respectueux des aliments, la cuisine de nos grands-mères revient sur le devant de la scène dans les magazines chics occidentaux comme sur les écrans maghrébins. Retrouver le plaisir de manger et de partager un repas en famille est le meilleur moyen de lutter contre la malbouffe. L’important, ce n’est pas de se remplir l’estomac, mais de passer un moment agréable.» 35