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portrait de femmes Kaouther nous confie : « Je n’ai jamais réalisé de films sur commande sauf pour une série d’animations pour Al Jazira Children, qui était une belle expérience par ailleurs. » La cinéaste a ce feeling, ce sixième sens qui fait qu’elle sent les belles histoires à raconter. Elle travaille aux coups de cœur. Elle s’est d’ailleurs passionnée pour l’histoire d’amour naissante entre une femme membre de sa famille et un homme tunisien résidant au Canada et en a fait l’objet du documentaire qui a connu un franc succès «Zeineb n’aime pas la neige». « Je me disais si le couple s’installe au Canada, j’aurais des choses à raconter. Je pourrais traiter du sujet sur l’immigration. Au pire, je raconterai des choses sur le passage à l’âge adulte, sur l’amour, sur la vie. » Le Challat de Tunis Pourquoi le choix de ce fait divers  ? «  Parce que l’histoire est symptomatique de beaucoup de choses. Et puis je voulais travailler sur les légendes urbaines, sur la psychose. Le Challat est un personnage qui a existé le temps d’une nuit, mais les gens ne l’ont pas oublié. Moi, je voulais faire un film à l’image de l’histoire où il est difficile de démêler le vrai du faux. Pour le vrai challat, il y a eu plusieurs récits. Jalel Dridi (l’acteur principal) était réellement accusé dans cette affaire. Il a été relâché faute de preuves. En cherchant à le rencontrer après la lecture des PV de police, j’ai vu qu’il avait ce don de comédien. Je lui ai donc proposé de jouer son propre rôle. » ont envoyé des messages pour lui raconter des agressions similaires subies. » Dans « La belle et la meute », Kaouther Ben Hania mise sur un nouveau visage  : Meriem «Je voulais mettre en avant le combat d'une une femme violée durant la nuit qu’elle passe dans les postes de police. » intéressant. Son regard est à la fois enfantin mais son allure est féminine. J’ai aimé ce mélange. Et puis, je pense que je ne me suis pas trompée sur ses compétences de comédienne puisqu’elle a reçu deux prix pour ce film. » Aujourd’hui, « La belle et la meute » vole déjà de ses propres ailes. Après Cannes, il sillonne les pays jusqu’en Chine. Kaouther, elle, est déjà sur d’autres projets  : un court métrage et un nouveau documentaire, mais aussi une fiction. Kaouther est hyper active et ne chôme pas. « J’ai la chance de faire un métier passionnant. Ma vie aujourd’hui est celle que j’ai toujours rêvée. Il y a des gens qui sont faits pour la stabilité et la routine. Moi je veux vivre chaque jour de nouvelles aventures. Je vis chaque film comme une nouvelle histoire d’amour et un futur bébé à naître. » El Ferjani, pour qui elle a un coup de cœur. «  Je trouvais qu’elle avait un côté tragique La Belle et la meute L’histoire de Meriem Ben Mahmoud marque toute une société, fait bouger tout un peuple dont Kaouther Ben Hania. Cette histoire, elle l’a en tête depuis 2012, date des faits du viol de cette jeune femme par deux policiers. En 2014, elle commence à écrire l’histoire telle qu’elle la ressent. Avec son producteur franco-tunisien Nadim Cheikh-Rouhou, ils achètent les droits du livre et Kaouther entame un travail de libre adaptation. « C’en est presque une trahison. Je voulais mettre en avant le combat et le ressenti vécu par une jeune femme violée tout au long de la nuit qu’elle passe de poste de police en poste de police. » Si la vraie Meriem avait au départ une certaine réticence quant à l’adaptation de son livre, la jeune femme finit par accepter cette version et même, à la soutenir. La réalisatrice lui expliquera d’ailleurs qu’il fallait regarder « La belle et la meute » avec distance, comme une histoire similaire à la sienne. «  Meriem m’a alors avoué que de nombreuses femmes lui 42 43