ETC. JOURNAL EDITIONS #3 | Page 38

Je crois que c’est ce qu’on attend du sur mesure. En plus, certains clients qui ne sont pas sûrs de leur look cherchent vraiment un conseil professionnel et, dans ces cas-là, je prends le relai. Les clients qui viennent pour la première fois, quand ils voient le nombre de questions que je leur pose, ils se sentent vite submergés. Ils ont la sensation d’avoir trop de choix. Parfois, il m’arrive de faire une présélection et je présente ce qui me paraît le mieux pour le cas précis. Le temps du rendezvous, c’est déjà la conception du chapeau. Finalement, tu conserves une assez grande indépendance dans les finitions. Est-ce une sorte de signature ? Ce que j’aime bien, c’est que de loin, le modèle ait l’air tout à fait classique parce qu’il faut pouvoir le porter tous les jours sans être déguisé. Et quand tu t’approches, tu vois que c’est travaillé et les gens le remarquent parce que ce n’est pas courant. Tu as des stagiaires. Tu as l’ambition de t’agrandir, de transmettre ? J’ai tellement aimé mon apprentissage que j’ai envie de transmettre à mon tour. Mon ancien patron me disait que la transmission du savoir faisait partie du boulot. Certains créateurs cachent leurs ateliers et secrets de fabrication. Je ne trouve pas ça bien de craindre une concurrence qui est souvent illusoire. Pour que le métier vive, il faut que les gens sachent réaliser des chapeaux pour que plus de gens en portent. En plus, je veux former quelqu’un parce qu’on n’enseigne pas les techniques traditionnelles dans les écoles de chapellerie. Et mon travail est extrêmement traditionnel. 38 Il est important de garder les traditions. Mais il faut sans cesse pouvoir se renouveler. D’où vient ton inspiration ? Cela peut venir de n’importe quoi. Je peux voir quelqu’un passer dans la rue et remarquer une forme, une association de couleurs, une finition. Ou même dans un restaurant une bordure de nappe. Ou dans un film, une série… Si c’est une commande, cela peut venir aussi du client. Je vais orienter ma recherche vers cette personne et l’impression qu’elle m’a faite. Sinon, si je n’ai pas de création particulière à faire, je laisse venir. Et c’est drôle, ça vient toujours quand je m’endors. Le lendemain matin, quand je mets l’idée en pratique, cela fonctionne à chaque fois. Tu es passionnée par ce que tu fais. Ça se sent. A côté, tu as d’autres passions ? Il n’y a rien que j’aime autant que ça. J’y passe d’ailleurs 90% de mon temps. Je n’ai pas besoin de m’exprimer dans autre chose. Comment es-tu venu à ce métier ? Quand j’étais petite, j’avais une machine à coudre et je voulais déjà être styliste. J’avais même fondé un club de mode. Je n’arrêtais pas de dire à mes parents qu’un jour je serai patronne. Ça s’est fait comme ça. J’aurais pu faire mon apprentissage dans une grande maison mais le sort a voulu que je fasse mon apprentissage chez une personne (Fernand) qui travaillait seul. 39