ETC. JOURNAL EDITIONS #3 | Page 20

de filoches frappant au vent. Adultes et enfants peuvent passer une journée à les confectionner, nouant la fine structure de bois blanc avec un seul long fil, collant ensuite le papier et les motifs colorés avec délicatesse. Ces joyeuses formes font dans l’espace d’un court après-midi oublier les brillants écrans des smartphones et autres joujoux convoités du quotidien. Un cerf-volant sera fendu sur toute sa longueur après être tombé à pic, l’autre se sera encastré dans un arbre, un autre encore disparu, sans doute emporté derrière les maisons. Peu importe, ils auront volé. Dans le fatras de matières qui jonche Port-auPrince, j’ai aussi vu des choses qui ne veulent pas mourir, qui ne veulent plus être soumises au cycle du déchet ou de la récupération. Parmi elles, une multitude de figures de bois et de fer que l’on peut croiser au détour de la Grand Rue et dans la commune de Croix-des-Bouquets au Nord de la capitale. D’innombrables objets s’intègrent dans ces silhouettes, tout étant prétexte à travailler la forme : restes de carcasses de voiture, morceaux de pneus, tissus, récipients rouillés, fourchettes et autres ustensiles de cuisine. Vous ne m’userez pas davantage, disent-ils. De toute cette matière inerte qui gisait dans la rue est née cette foule insoumise, disparate, ces personnages incroyables inspirés des saints, des esprits vaudou ou de figures historiques du pays. 20 21