ETC. JOURNAL EDITIONS #2 | Page 43

TEXTE Marie LEMPERIÈRE neutrinos. Quels que soient les mots qu’on dise pour désigner le lien - les mots comme des fils d’ailleurs, le texte comme tissage et texture -, ils restent en deçà de la réalité  du lien : cette « sève » de l’univers, la force d’attraction universelle entre les particules élémentaires, que nous pourrions appeler Amour. Par le langage et la pensée, nous donnons un sens et nous perdons l’essence. Nos mots et les représentations qui leur correspondent dans la psyché “arrêtent sur image” et momifient ce qui dans la réalité est un courant continu. Ainsi nous donnons des noms à ce que nous percevons et nous confondons l’être et l’apparence. Comme nous désignons communément par le mot « amour » les apparences de l’amour. Et pourtant… Ce mot, bien mal compris parfois, revêt exactement la réalité du lien. Car dès que la carapace des humains se lézarde, qu’ils sortent de leur camp retranché, ce qui s’en échappe est l’amour, justement. De même que la peinture d’un tableau qui se craquelle révèle la réalité de la toile. Et pour mieux dire, le tableau comme métaphore de l’univers s’impose. Là encore un liant est indispensable : il permet aux pigments de se fixer sur le support et d’y prendre une valeur nouvelle. Quand nous regardons un tableau, nous voyons des formes, des couleurs, des arbres, des ciels … mais nous ne sommes pas dupes ; il ne s’agit que d’une peinture. Et parfois si l’on s’en approche assez, nous voyons sur la toile la matière appliquée par touches plus ou moins épaisses. Et même dans le cas d’un trompe-l’œil particulièrement réussi, nous ne nous laissons pas prendre au piège de l’artifice pictural. Lucidité un peu arrogante à bien y regarder car nous restons prisonniers du trompe-l’œil vis-à-vis du monde qui nous entoure. 43