Carte blanche
« Affranchis de cet attachement exorbitant à nos étroites frontières, à nos identités bien
scellées, enfin libres nous pourrons devenir ce flux chantant de la vie, qui ne trouvera sa
plénitude que dans la gratuité de l’effacement vers un plus grand que soi… »
Philippe Mac Leod
D
es atomes crochus d’Epicure aux bosons de Higgs, du
Shibari ou Kinbaku à l’union du mariage, de l’attachement à
l’amour, il y a le lien. « ¡Átame! » demande un personnage
d’Almodovar ; ce qui paraît une perte de liberté et une dépendance
insupportable pour beaucoup devient la forme primitive de
l’amour entre les personnages. Ce que la plupart, dans la sphère
privée ou intime, n’avouerait jamais ou refuserait en bloc, le lien
donc, comme la longe ou la laisse d’un animal domestiqué, est
pourtant un fait, voire une revendication sociale. Nous sommes
liés par contrat, nous nous lions par réseaux, nous souhaitons
plus de solidarité, mais nous craignons que les liens deviennent
chaînes. La privation de liberté qu’engendrerait le lien est alors
mortifère ; la relation ne tient plus qu’à un fil, celui des Parques.
Mais de la quenouille des Moires ne sort aucun lien à vrai dire
et elles filent dans le vide une vie sans attache… Or ce mythe
continue de fasciner car il a à voir, dans l’imaginaire, avec le sacré.
Le mot « religion », dont l’étymologie est ambiguë, viendrait
de religare (relier) ou de relegere (relire). Et ce qui nous relie
au divin, ou à l’univers, serait insaisissable, invisible… « la
part des anges » finale ment… ou bien pour certains, la part des
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