Quelle place accordes-tu au temps ?
Dans mes toiles, je ne cherche pas à capter un
mouvement figé mais un instant de quelques
secondes. Un moment suspendu. Le temps est
partout. C’est le temps d’implication dans une
zone, le non-temps dans une autre, le temps de la
création en général. J’ai envie que le spectateur
ait l’impression que la toile se soit faite en un
instant, comme une sorte de vaporisation ou de
cristallisation de l’instant.
Et puis, je n’aime pas être sur le même fuseau
horaire que les autres. Lorsque je travaille, je
m’isole. Il n’y a que moi qui peux me mesurer à
la toile et réciproquement. J’aime être dans mon
cocon, mon espace-temps à moi. Un espacetemps particulier et à grande échelle.
C’est ce qui explique tes grands formats ? Des
tableaux qui se réalisent en plusieurs mois ?
Ce sont plutôt des murs. Cela participe de ma
volonté d’être hors du temps et de l’espace, de
faire une peinture qui puisse être intemporelle.
Je rends ainsi un hommage aux grands maitres
et je me mesure à eux. Chaque toile est une
sorte de manifeste, révélateur d’une période. Un
microcosme. Mais, je me mets aussi à nu, j’offre
une part de moi dans chaque tableau à travers le
format.
Cela peut paraître dérangeant, non ?
Je me sens très freiné en peinture. J’ai beaucoup
de retenue maintenant. J’essaie de peindre des
choses vraies. Je suis en retrait par rapport à ce
que je fais.
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