ETC. JOURNAL EDITIONS #2 | Page 105

Le sacré et les dieux J’observe attentivement les convives et je ne peux m’empêcher de sourire à voir leurs yeux brillants. Ils semblent portés par le groupe auquel ils se sentent appartenir. Transportés serait plus juste. Oui, transportés de partager ce moment ensemble. Est-ce cette émotion palpable qui a pu faire penser les Anciens que le banquet était un lieu privilégié de communication avec les dieux ? Estce parce qu’il donne la possibilité de s’évader des tracas du quotidien pour quelques heures que le banquet prend son caractère hors normes, presque sacré ? Dans les premières civilisations, les hommes se sont attachés à reproduire la société divine. Ce rappel d’un âge d’or déchu est particulièrement présent dans la symbolique du banquet. Il semble que pour les Mésopotamiens l’assemblée des dieux au cours de laquelle sont prises les grandes décisions se tient le plus souvent lors d’un banquet. Dans la mythologie, lorsque les dieux visitent les hommes, c’est l’occasion de réjouissances accompagnées d’un repas de bienvenue. Les hommes ont également, dans nombre de civilisations préhistoriques et antiques, un devoir d’entretien alimentaire des dieux. Des offrandes (viande, pain frais, lait, bière…) sont déposées dans les temples qui leur sont consacrés et des jours de fête sont prévus dans le calendrier pour célébrer telle ou telle divinité. Les boissons fermentées, et le vin en particulier, participent du lien entre les hommes et les dieux. En Grèce, le vin est considéré comme une boisson sacrée. D’ailleurs, on ne le consomme pas pendant le banquet en tant que tel, mais lors du symposium qui lui fait suite. Les grecs célèbrent à cette occasion la sacralité du vin qui produit l’ébriété et favorise ainsi le contact avec le divin. Plus tard, le vin devient le trait de l’homme civilisé qui sait s’autocontrôler et reste maitre de cette boisson « magique » et non l’inverse. La plupart du temps, des morceaux de viande fraîche constituent le cœur du banquet. Dans les civilisations antiques, ceux-ci sont consacrés rituellement aux dieux. Rome, notamment, est une culture sacrificielle. Ce sacrifice définit les hommes civilisés et les placent non seulement par rapport aux dieux mais aussi par rapport aux autres hommes, non membres de la communauté. Manger de la viande à Rome est donc intimement lié à un acte religieux. 105