Le sacré et les dieux
J’observe attentivement les convives
et je ne peux m’empêcher de sourire à
voir leurs yeux brillants. Ils semblent
portés par le groupe auquel ils se
sentent appartenir. Transportés
serait plus juste. Oui, transportés
de partager ce moment ensemble.
Est-ce cette émotion palpable qui a
pu faire penser les Anciens que le
banquet était un lieu privilégié de
communication avec les dieux ? Estce parce qu’il donne la possibilité
de s’évader des tracas du quotidien
pour quelques heures que le banquet
prend son caractère hors normes,
presque sacré ?
Dans les premières civilisations, les
hommes se sont attachés à reproduire
la société divine. Ce rappel d’un âge
d’or déchu est particulièrement
présent dans la symbolique du
banquet. Il semble que pour les
Mésopotamiens l’assemblée des
dieux au cours de laquelle sont prises
les grandes décisions se tient le plus
souvent lors d’un banquet. Dans
la mythologie, lorsque les dieux
visitent les hommes, c’est l’occasion
de réjouissances accompagnées d’un
repas de bienvenue. Les hommes
ont également, dans nombre de
civilisations
préhistoriques
et
antiques, un devoir d’entretien
alimentaire des dieux.
Des offrandes (viande, pain frais,
lait, bière…) sont déposées dans les
temples qui leur sont consacrés et
des jours de fête sont prévus dans le
calendrier pour célébrer telle ou telle
divinité.
Les boissons fermentées, et le vin en
particulier, participent du lien entre
les hommes et les dieux. En Grèce, le
vin est considéré comme une boisson
sacrée. D’ailleurs, on ne le consomme
pas pendant le banquet en tant
que tel, mais lors du symposium qui
lui fait suite. Les grecs célèbrent à
cette occasion la sacralité du vin qui
produit l’ébriété et favorise ainsi le
contact avec le divin. Plus tard, le vin
devient le trait de l’homme civilisé
qui sait s’autocontrôler et reste
maitre de cette boisson « magique »
et non l’inverse.
La plupart du temps, des morceaux
de viande fraîche constituent
le cœur du banquet. Dans les
civilisations antiques, ceux-ci sont
consacrés rituellement aux dieux.
Rome, notamment, est une culture
sacrificielle. Ce sacrifice définit
les hommes civilisés et les placent
non seulement par rapport aux
dieux mais aussi par rapport aux
autres hommes, non membres de la
communauté. Manger de la viande à
Rome est donc intimement lié à un
acte religieux.
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